Vivien chez Mabile dans les Enfances Vivien : une fenêtre sur l'avenir
Résumé
Si l'on imagine Vivien, bien souvent considéré comme un épigone de Roland, c'est sur le champ de bataille aride et désolé de Larchamp, ou mourant dans le décor symbolique d'une source édénique 1. Ce n'est pas un personnage palatin. Et si on l'aperçoit près d'une fenêtre dans La Chanson de Guillaume, c'est que tout le peuple sarrasin attend dehors l'armée chrétienne pour le combat 2. On mesure tout ce qui le sépare du Vivien enfant, élevé chez des marchands, regardant un paysage champêtre qui a tout du locus amoenus depuis la fenêtre de la demeure de ses parents adoptifs. Cependant, ce décalage n'est pas le fait le plus problématique de ce passage des Enfances Vivien. En effet, si dans la Chanson de Guillaume le rôle de la fenêtre se laisse facilement appréhender (elle sert à introduire le noeud de l'action), il n'en est pas de même ici. Certes, elle est une ouverture qui permet au personnage de regarder vers l'extérieur, mais sa présence même avec le paysage sur lequel elle donne laisse une impression curieuse et fait figure d'élément rapporté. Dès lors, faut-il considérer cette fenêtre et la vue qu'elle révèle comme des réalités faisant partie de l'univers fictionnel dans lequel évolue notre héros, ou plutôt comme des métaphores d'un ailleurs qui ne se laisserait qu'apercevoir par l'ouverture nécessairement réduite d'une embrasure ? La fenêtre permet de voir au-delà du présent de la fiction, dans le futur du personnage et du récit de ses aventures. Mais peut-être faut-il voir derrière elle une nouvelle fenêtre découvrant une vue réflexive de l'épopée sur elle-même. Cette scène à la fenêtre se présente avant tout comme un tableau. Si le personnage est montré dans cette attitude, c'est pour mieux être offert à l'imagination du lecteur. Il fait en effet l'objet dans cette laisse d'une assez longue description, qui insiste à la fois sur sa grâce, sa jeunesse voire sa fragilité 3 : 1 La source auprès de laquelle meurt Vivien est une apparition surprenante qui contraste avec le reste de la plaine de Larchamp, présentée comme désertique. 2 La Chanson de Guillaume, éditée par François Suard, Paris, Bordas (collection Classiques Garnier), 1991, laisses IX et X. 3 Jusqu'alors, Vivien a en effet été présenté comme un tout jeune enfant (il a sept ans, comme on le voit aux vers 47-49 du manuscrit Paris, B.N., fr. 1448) qui, quoique très courageux, est encore assez vulnérable pour demander à sa mère de le prendre dans ses bras lorsqu'il se sait en danger (cf. v. 491-494, Boulogne-sur-Mer, Bibliothèque municipale 192, vv. 889). La délicatesse du personnage peut alors suggérer aussi une certaine fragilité.
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)