Pour en finir avec le monde : Proust et la description pathologique - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2009

Pour en finir avec le monde : Proust et la description pathologique

Résumé

Résumé : Proust veut en finir avec l'injonction réaliste (au sens esthétique du terme) de représenter le monde dans et par une description ; pourquoi cette exaspération ? Proust devine que l'idée de représentation est à bout de souffle ; et que son corrélat, le monde, ne correspond à rien de ce qui, pour lui, existe vraiment. Ce que donne à lire une représentation, ce n'est en effet jamais ce qui est, mais un simple protocole : un artefact, une production culturelle relative et périssable. Or le protocole descriptif réaliste ne parvient plus à faire croire à son efficience : il ne capte plus la chose, la vérité de la chose. L'idéal de la représentation du monde engendre des formes mortes – des formes qui ne sont que des formes. La vérité de la chose telle que l'éprouve Proust (ou le Narrateur, son double fictionnel) n'a donc plus rien à avoir avec ce que la description nomme « le monde » ou un fragment du monde. Cette crise de la description rencontre la problématique de l'écriture de soi : le mot « soi » nous place du côté de l'expérience. Une expérience est un événement en tant qu'il m'arrive, à moi qui suis le premier témoin et le premier concerné par ce qui arrive. Le « moi » contribue à constituer l'expérience en tant que telle, en son être propre ; mais l'expérience – ce que j'éprouve, ce qui me traverse – est en effet ce qui me donne l'assurance que je suis bien « moi », celui qui est en train d'éprouver. La description pour Proust consiste à témoigner du sentiment qu'a un « moi » d'exister au plein sens du terme – c'est-à-dire d'éprouver qu'il est bien l'être impliqué par l'expérience qui le révèle comme « moi vivant ». La description proustienne est authentique en ce que, traversant les épaisseurs superposées des codes poétiques dont elle se joue, elle manifeste une volonté de vérité. En quoi consiste-t-elle ? La description de Proust montre comment le « moi » parvient à la certitude d'exister comme être vivant, affecté par ce qu'il lui est donné de voir, de sentir, de vivre. En cela, la description de Proust est bien, comme le disent Jean Leclercq et Nicolas Monseu, « une manière de (se) raconter » un certain « rapport d'être au monde ». L'adjectif pathologique signifie tout simplement que la description chez Proust n'est pas liée à une entreprise de connaissance fondée sur l'opposition d'un sujet et d'un objet. Elle est une expérience, une épreuve : le « moi » s'éprouve vivant au moment même où il éprouve la vie profonde, la vie invisible et cachée des choses, cette vie qui se révèle comme un flux traversant, unissant et distinguant les singularités à l'oeuvre : singularité du « moi » (ce que Proust nomme sa « vocation ») et « essence » de la chose. Le mot pathologie est emprunté à la pensée de Michel Henry, qui ouvre la possibilité d'une autre lecture de Proust, du moins de son ambition descriptive.
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Citer

Stéphane Chaudier. Pour en finir avec le monde : Proust et la description pathologique . Nicolas Monseu, Jean Leclercq (dir.). Phénoménologies littéraires de l’écriture de soi, Editions Universitaires de Dijon, p. 109-121, 2009, 978-2-915611-14-4. ⟨hal-01676876⟩
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