Rhétorique ou stylistique ? Réflexions sur Andromaque de Racine
Résumé
En prenant appui sur Andromaque de Racine, cet article vise à montrer comment la stylistique (entendu comme une discipline de l'interprétation des textes) peut prendre le relais de la rhétorique, qui ne peut expliquer une figure de style qu'en la resituant dans le contexte rationnel d'une entreprise de persuasion, laquelle présuppose un auditoire qui réclame de « bonnes raisons » pour élire telle ou telle idée, telle ou telle action. Or les personnages bien des personnages tragiques parlent sans jamais persuader leur interlocuteur. Racine se contente-t-il de montrer qu'en contexte passionnel, les sujets parlant sont voués à ne pas s'entendre ? À s'escrimer dans le vide en utilisant à faux les artifices d'une rhétorique inadaptée à la situation et gauchie par l'aveuglement passionnel ? À la lumière du concept de phénoménologie de la vie, on montre que la stylistique parvient à interpréter les figures comme les manifestations verbales d'une nécessité ontologique : parler au nom de la vie qui anime le sujet, de la passion dont il n'est pas libre de se défaire mais qui, ressaisie par le langage, est apte à créer une éthique de la joie : la joie de la pure affirmation de la vie. C'est ainsi que, par-delà l'antagonisme dramatique qui les sépare, Andromaque résolvant son dilemme rejoint Hermione revendiquant la volonté d'aimer Pyrrhus contre tous démentis infligés par le réel.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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