Le Stabat Mater de Régis Jauffret : quel tombeau pour quelle littérature ?
Résumé
Si la mort de la littérature n'est pas un fait mais une représentation, point n'est besoin de diagnostiquer une crise ou une mort pour tenter de trouver les conditions d'un retour à la santé ou à la vie. Mieux vaut restreindre son ambition à évaluer la fécondité d'une telle représentation : que produit-elle ? Quelles idées ? Quels percepts ? L'exemple sur lequel on se fonde (l'étude de Lacrimosa, roman de Régis Jauffret), illustre le cas où cette représentation cesse d'être productive : elle n'est plus un stimulant à la création mais un alibi – un dispositif de mauvaise foi. Mais alors, pourquoi s'intéresser à un échec ? À la petite échelle où il apparaît, il éclaire l'un des maux dont souffre « notre époque », pour parler comme les bourgeois de Flaubert : l'étrange alliance du cynisme et de la dépression. Si celle-ci sévit dans quelques cantons du monde littéraire français, plus globalement, à en croire Cornélius Castoriadis, elle caractérise l'état du monde et de la culture en Occident. Dossier mai 2009LHT n°6 Stéphane Chaudier et Julian Négrel Le Stabat Mater de Régis Jauffret : quel tombeau pour quelle littérature ? 1 Un tombeau, autrefois, c'était un éloge. On construisait un beau monument pour honorer une belle oeuvre ; les vertus du mort saisissaient le vif. Aujourd'hui, il semble que cette métaphore – « tombeaux pour la littérature » (et non « de la littérature ») – se laisse plutôt entendre comme un réquisitoire : c'est la littérature qu'on enterre et qu'on humilie. Mais est-ce une morte ou une vivante que l'on enterre ? Selon la réponse qu'on donne à cette question, le tombeau sera, ou ne sera pas, légitime.
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