Ivan Farron, l'égotiste nonchalant
Résumé
L’expression « égotisme nonchalant » caractérise le point de vue sur l’existence
qu’illustre le roman d’,1. Ce roman est « égotiste » en ce qu’il privilégie le point de vue – les
pensées, les émotions – d’un héros unique, un peu comme À la recherche du temps perdu
privilégie le point de vue d’un « héros narrateur » unique. Dans ce type de romans, un seul voit,
et c’est le héros ; les autres personnages sont vus. Certes, ces derniers se révèlent par ce qu’ils
disent ou font ; sans doute leurs points de vue sont-ils pris en compte, mais de façon
intermittente et circonstanciée. Le roman égotiste ne s’intéresse de façon continue qu’à une
seule conscience ; et c’est son évolution, et elle seule, qu’il rapporte. En 1913, Proust et Larbaud
(ce dernier avec A. O. Barnabooth, Ses oeuvres complètes, c’est-à-dire un conte, ses poésies,
son journal intime) ont donné ses lettres de noblesses à la formule du roman égotiste : elle prend
comme « sujet » la conscience d’un individu singulier – et quoi de plus singulier qu’un apprenti
écrivain ? – aux prises avec les données de son existence. Égotiste, le roman d’Ivan Farron met
en scène une conscience qui sait qu’elle ne mérite pas qu’on s’intéresse à elle ; cette conscience
n’est plus du tout singulière ; elle est tout simplement inquiète de son peu de consistance. Le
roman contemporain est une gigantesque salle de consultation ; toutes les maladies de l’âme
s’y donnent rendez-vous ; le roman, bien sûr, ne diagnostique rien ; il affirme le droit des
consciences blessées à voir leur souffrance reconnue. Le héros et le narrateur anonyme des
Déménagements inopportun n’en demande pas tant. Il refuse de donner un statut lyrique à son
malaise : il ne veut pas être plaint ou aimé. Il ne se pose ni en victime ni en exemple. Il ne milite
pas en faveur de lui-même. En un mot, c’est un égotiste nonchalant. Il estime que l’humour est
la meilleure façon (et sans doute la seule) dont on puisse parler de soi.
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)