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Article Dans Une Revue La Furia Umana Année : 2014

Composer la lumière par le corporel dans le cinéma d'Andy Warhol

Résumé

Il peut apparaître étrange au lecteur que de commencer mon étude des phénomènes lumineux dans le cinéma d’Andy Warhol par quelques remarques sur le mouvement. Mais puisqu’il s’agit de corps lumineux – au sens propre comme au sens figuré – ces détours gardent leur importance. La locution latine « movere » qui est à l’origine du mot mouvement, appelle directement l’idée de transport qui marque la topographie d’un lieu à l’autre. Le corps est mouvement : amas de chair, de tissu organique mis en déplacement par une succession d’actes. Il met en scène un besoin de vie avant même sa figuration et sa capture par l’image. Le cinéma Warholien est-il la trace réelle de ce corps expressif qui ne cesse de se montrer à l’écran1 ? Ces performances constituées de « plans-bobines » interminables qui ont la capacité étrange d’exploiter l’attention à chaque photogramme, sont-ils le résultat d’un rapport au réel qui se veut immédiat ?L’impression première est pourtant trompeuse. De cette difficulté d’être à l’écran, Warhol substitue à sa caméra passive et voyeuriste2 le montage en boucle (Sleep, 1963) où le hasard des bobines interverties lors de la projection (Eat, 1964) rend impossible l’objectivité de ces captations en creux. Si le corps est porteur d’une expression qui donne à recueillir une figure – magnifiée, amplifiée ou diminuée – il n’en demeure pas moins pris dans le cadre-dispositif de l’image. Nous verrons plus loin la façon dont la lumière colorée dessine, sculpte, forme ou déforme le corporel dans un épisode de Chelsea Girls (1966). Où comment le mouvement change profondément de nature jusqu’à épouser le travail intense de la figure qu’elle défigure. Mais n’allons pas trop vite. Il est étonnant de voir que dès Sleep, la question du corps relève des puissances figurales3 de l’image (1). Le sentiment de langueur, les immobiles changements de cadre, le grain soyeux d’un noir et blanc aveuglant déréalisent les corps. Dans le film, ces éléments vont jusqu’à faire oublier et confondre telle partie du corps à la surface de l’image ramenant le mouvement à son immobilité (2). Le film retire du corps son pouvoir performatif jusqu’à dissoudre sa forme dans la matière temporelle du médium cinématographique. D’un point de vue formel, Sleep empreinte l’idée du monochrome à la peinture moderniste non sans convoquer la citation picturale issue de l’illusionnisme spatial4 (3,4) : « La peinture n’a ni modèle à représenter, ni histoire à raconter (…). Dès lors elle a comme deux voies possibles pour échapper au figuratif : vers sa forme pure, par abstraction ; ou bien vers le pur figural, par extraction ou isolation5 » note Gilles Deleuze à propos des peintures de Bacon. En refusant toute articulation entre le visible et le lisible6, Sleep fait émerger des profondeurs une figure en puissance dont les impulsions respiratoires épousent la matière de l’image, son défilement et ses scories comme spectacle : bulles, éclats, perforations se succèdent par vagues successives comme de purs événements filmiques. Que reste-t-il alors du corps ? Davantage qu’un être-là, le corps se fait fantôme et ombre à lui-même, trace fugitive et contour à redéfinir.
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Citer

Benjamin Léon. Composer la lumière par le corporel dans le cinéma d'Andy Warhol. La Furia Umana, 2014, 18. ⟨hal-01513659⟩
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