Les infortunes de « notre » amour de la vérité face à l'emprise du principe de plaisir
Résumé
We have had to admit on more than one occasion, though not without a certain sense
of hate, that Freud had good reasons to write to Binswanger that there is « nothing in
man’s framework that predisposes him to take an interest in psychoanalysis ». Then,
during treatment, discovering the defence mechanisms that the ego secretes to evade
the effects of the psychoanalysis takes matters a step further, though at considerable
psychical cost.
Sustaining the love of truth (to be understood as a recognition of that reality whose
psychopathology unfailingly shows us that human beings are ever inclined to turn
away from it) requires us to overcome the passion of ignoring, and inhabiting hatred.
The cost of psychoanalytical work is considerable as it requires us to overcome misconceptions
that hitherto appeared to be vital (and which were so from a certain point
of view) and recognise the uncontrollable violence of instinctual impulses, the
resources of hate we have in us and that repression hides from us.
Psychoanalytical practice has us discover, ever as if for the first time, to what extent
the conflict between « the effort to remain what you are » and the effort to change in
relation to the demands of the reality the psychoanalytical effort imposes is present
and of immediate concern in each of us. It is at such times that we take stock of the
difficulties involved, for the patient but also for the psychoanalyst, in going beyond
the pleasure principle. The latter’s potency then stands in the way of the psychoanalytical
work becoming a work on culture and threatens to make the cure become a
subtle means of continuing to turn away from reality.
C’est plus d’une fois, que nous devons convenir, non sans une certaine haine, que
Freud a quelques raisons d’écrire à Binswanger qu’il « n’est rien dans la structure de
l’homme qui le prédispose à s’occuper de psychanalyse ». Et, c’est un pas de plus,
coûteux psychiquement, que d’avoir à découvrir, dans le cours d’une cure, les mécanismes
de défense que le moi secrète pour se soustraire aux effets de la psychanalyse.
Soutenir l’amour de la vérité (à entendre comme reconnaissance de cette réalité dont
la psychopathologie ne cesse de montrer que l’humain est plus que disposé à s’en
détourner) impose de surmonter la passion d’ignorer et d’habiter la haine. Le coût du
travail psychanalytique est considérable, car il impose de surmonter des méconnaissances
qui paraissaient jusque-là vitales (et qui l’étaient d’un certain point de vue) et
de reconnaître la violence indomptable des motions pulsionnelles, les ressources de
haine dont nous disposons et que le refoulement nous masque.
La pratique psychanalytique fait redécouvrir, à chaque fois comme une première fois,
à quel point est présent et actuel en chacun le conflit entre « l’effort pour demeurer tel
qu’on est » et l’effort pour se modifier en fonction des exigences de la réalité que le
travail psychanalytique impose. C’est dans de tels moments que l’on prend la mesure
de la difficulté, pour le patient mais aussi pour le psychanalyste, d’aller au-delà du
principe de plaisir. La puissance d’emprise de celui-ci s’oppose alors à ce que le travail
psychanalytique se fasse travail de culture et menace la cure de devenir un subtil
moyen de continuer à se détourner de la réalité.
Origine : Accord explicite pour ce dépôt