L’appropriation socialement différenciée des nouvelles activités périscolaires
Résumé
La réforme des rythmes scolaires mise en œuvre à partir de la rentrée 2013 consacre l’importance croissante d’encadrants non enseignants dans les écoles, désormais en charge de trois heures hebdomadaires d’activités d’un format nouveau. Cette évolution, voulue par l’État et accueillie favorablement par la plupart des villes, malgré quelques réticences liées à son coût et aux difficultés d’organisation qu’elle implique, s’inscrit dans une transformation de long terme des contenus auxquels les enfants sont confrontés à l’école. On peut accorder à ce phénomène, lié en France au processus de décentralisation, une dimension internationale, les écoliers des pays occidentaux étant de moins en moins encadrés par des enseignants (Tardif et LeVasseur, 2010). La réforme des rythmes scolaires permet ainsi de poser la question générale des buts d’une école désormais hybride, caractérisée par la juxtaposition de nombreux dispositifs (Barrère, 2013), et de la façon dont les enfants les perçoivent.
La communication s’appuie sur une série de situations tirées d’un corpus de thèse représentant plus de 450 heures d’observations de type ethnographique menées dans des écoles élémentaires parisiennes socialement contrastées, aussi bien en classe que dans les temps périscolaires. L’analyse montre que ces situations, qu’elles relèvent ou non de la classe, recèlent potentiellement des apprentissages de type scolaire mais que l’actualisation de ces apprentissages suppose une traduction dans des termes spécifiques. Or certains enfants maitrisent les termes d’une telle traduction quand d’autres, plus souvent issus des milieux populaires, tendent à cloisonner leur activité en segments hétérogènes dénués de liens. L’absence de visibilité des encadrants sur l’activité réalisée en leur absence, l’hétérogénéité des « genres professionnels » des enseignants, animateurs ou intervenants associatifs, l’exacerbation de l’opposition des logiques de l’instruction publique et de l’éducation populaire constituent autant d’éléments qui favorisent un tel cloisonnement. Les enfants demeurent alors seuls et inégaux face à l’élucidation des buts de l’école.
Afin d’étayer le propos, on étudiera en particulier l’articulation entre jeu et apprentissages scolaires à partir de plusieurs séances de théâtre menées par des animateurs, enseignants ou intervenants. Une analyse très située sera donc l’occasion d’interroger beaucoup plus largement les conditions d’une réelle démocratisation de l’école contemporaine.