La détente narrative : Mélancolie et catharsis au cinéma
Résumé
En guise de réponse à l'ouvrage de Raphaël Baroni La Tension Narrative : suspense, curiosité, surprise, mon intervention portera sur la mise en question de la centralité de la tension narrative lors de la vision d'un récit cinématographique : le suspense, la curiosité et la surprise ne sont pas les uniques affects éprouvés par le spectateur. Selon mon hypothèse, il existerait au moins deux autres formes de sensations qui se déclencheraient au cours de la vision d'un récit filmique : la mélancolie et la catharsis. À travers l'analyse d'une série d'exemples qui portent sur les instants conclusifs de différentes œuvres, de The Dictator de Chaplin à Broken Flowers de Jarmusch en passant par Le Notti di Cabiria de Fellini, j’avancerai une description du phénomène de la « détente narrative », en l’associant au moyen cinématographique. Par sa capacité naturelle de capturer les instants cathartiques et mélancoliques, le cinéma représente un véritable dispositif producteur d’émotions, qui excèdent le champ d’interprétation de l’intrigue narrative, en s'inscrivant directement dans la mémoire visuelle du spectateur. Le but de mon intervention consisterait à aborder la thématique de la construction subjective du spectateur en la rapportant à ce que Didi-Huberman a récemment nommé « l’émotion qui ne dit pas "Je" » : la mélancolie et la catharsis éprouvées au cinéma font partie d'un phénomène plus vaste qui concerne le processus de la construction du soi du sujet, face au pré-individuel et à la collectivité.