Par de-là le bien et le mal : la définition d’une éthique patriotique de diffusion
Résumé
« L’évolution de la formation discursive francophoniste, que l’on ne peut ici tracer qu’à grands traits, ne s’est jamais départie d’une vision essentialiste. Encore aujourd’hui, elle conduit à faire du français un outil de libération des peuples autant qu’un instrument de modernité. »
Cette proposition de Cécile Canut invite à repenser la dichotomie entre l’implication de la France au sein de la francophonie et l’action de la France en position de domination coloniale. Comment opposer la valeur de résistance attribuée à la francophonie (Wolton : 2006) au cynisme d’une expansion linguistique unilatérale propre à l’expansion coloniale, dès lors que ces deux directions de la politique linguistique française se retrouvent dans une définition essentialiste de la langue ? Dans les deux cas, essentialiser une certaine vision politique de la langue française permet la mise en place d’une éthique de diffusion du français (de la mission civilisatrice de l’espace colonial, à la résistance à l’anglais de la francophonie).
Au regard des relevés de décisions de l’Alliance française à Buenos Aires depuis 1893 , il apparaît clairement que la dimension éthique (Levinas : 1982) est une constante des inflexions prises par l’association pour le développement de son action sur le territoire argentin. Cette dimension affecte les moyens convoqués, comme les programmes (enseignement ou certification) pour l’expansion du français dans le pays. De plus, les lectures, de par les comités de direction, quant à la réussite ou à l’échec des moyens mis en œuvre est fortement liée à la relation entre la définition de cette éthique et sa réception locale.
Nous chercherons à comprendre dans la période de l’entre-deux guerres, de 1920 à 1936, les tâtonnements d’une éthique de la diffusion du français liée à la vision essentialiste de la langue française définie par l’Alliance française, grâce à la lecture des archives argentines de l’association. Il s’agira de voir les points de contact entre la définition de la langue, l’élaboration d’une éthique de diffusion et les choix en résultant. Nous tenterons d’ouvrir, en fin de communication sur une rapide comparaison avec l’élaboration d’une éthique de la diffusion dans les discours de l’OIF, à la lecture du rapport annuel de l’institution.