Guerre, maladie, empire. Les services de santé militaires en situation coloniale pendant le long XIXe siècle - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Histoire, médecine et santé Année : 2016

Guerre, maladie, empire. Les services de santé militaires en situation coloniale pendant le long XIXe siècle

Roberto Zaugg

Résumé

During the wars of the early modern age, deaths by disease tended to prevail over deaths in combat. This trend was particularly pronounced in the case of European troops operating in extra-European ecological contexts. As the pioneering works by Philip D. Curtin have shown, on this behalf the nineteenth century was a period of radical change: on the one hand, European empires expanded to Africa and Asia, on the other medical innovation transformed the epidemiological relation between Europe and the rest of the world, resulting in a clear decrease of mortality among European migrants moving to extra-European territories. In this context, the emergence of “tropical medicine” as a scientific field, the development of colonial projects and the reinforcement of military health services were deeply interconnected processes. Medical knowledge constituted a crucial resource for European powers: not only to provide for the health of their troops but also to create favourable conditions for an increasing number of settlers, entrepreneurs and civil servants. Later also improving the health of the native populations became a goal of colonial administrators, who perceived demographic growth as a crucial factor for enhancing the economic profitability of the colonies. Medicine, hygiene and (a certain) Western bodily discipline were celebrated as elements of the civilizing mission and sometimes employed as tools of social disciplining. However, it would be simplistic to interpret the history of colonial health as a unilateral transfer from European metropoles to colonized territories. The knowledge involved in the making of colonial medicine was not exclusively produced in the laboratories of tropical institutes and European hospitals: to a significant extent it was generated through social interactions in the colonies. Military doctors had limited infrastructural, pharmaceutical and human resources and often they had to cope with unknown diseases whose etiology was still an unsolved question. Thus, inter-imperial cooperation, reciprocal transfers between European and non-European actors as well as the (mostly fragmentary but sill significant) appropriation of “native” therapies played a central role in the construction of colonial medicine. On February 6, 2015, a group of scholars from France, Switzerland, Germany and Brazil met at the Château de Vincennes (the seat of the French military archives) to discuss the role of military physicians in European as well as the production and circulation of medical knowledge about tropical diseases during the long 19th century. The contributions to this meeting stretch from the Napoleonic wars in Egypt and the Caribbean to Dutch South-East Asia and the Herero-Nama Wars in German South-West Africa. A special issue of the journal “Histoire, médecine et santé” presenting the results of our work is currently in press. 
Comme l’ont montré les travaux pionniers de Philip D. Curtin, la prépondérance des morts causées par des maladies par rapport aux pertes au combat – une tendance généralisée pendant tous les conflits majeurs de l’époque moderne – fut particulièrement drastique dans le cas des troupes européennes opérant dans des contextes écologiques extra-européens. Le XIXe siècle représente, à ce propos, une période charnière, marquée par l’expansion territoriale des empires coloniaux en Afrique et Asie et, en même temps, par des développements historico-médicaux qui changèrent profondément la relation épidémiologique entre l’Europe et le reste du monde, entrainant une nette hausse des taux de survie parmi les migrants européens en Outre-Mer. L'émergence de la « médecine tropicale » comme discipline scientifique, le développement des projets coloniaux et le renforcement des services sanitaires des forces armées furent, dans ce contexte, des phénomènes profondément interconnectés. Les savoirs médicaux et les institutions sanitaires constituèrent des ressources cruciales pour les puissances européennes : non seulement pour mener des opérations militaires, mais aussi pour permettre l’implantation d’un nombre croissant de colons et administrateurs et, dans un deuxième temps, pour offrir des services sanitaires aux populations colonisées, dont le développement démographique était perçu comme une variable décisive dans la valorisation économique des colonies. Célébrées au niveau propagandiste comme éléments centrales de la « mission civilisatrice », médecine, hygiène et (une certaine) culture corporelle occidentale avaient vocation à être utilisées comme des instruments de discipline sociale. Il serait toutefois simpliste de lire l'histoire de la santé coloniale comme celle d'un transfert unilatéral de savoirs médicaux depuis les métropoles vers les colonies. Ces savoirs n'étaient pas uniquement produits dans les laboratoires des instituts de médecine tropicale et les cliniques européennes : ils étaient souvent générés par les interactions sociales dans les colonies. Dotés de ressources infrastructurelles, pharmaceutiques et humaines limitées, les officiers de santé étaient souvent obligés de faire face à des maladies qu'ils ne connaissaient pas et dont l'étiologie représentait une question irrésolue. Par conséquent les réseaux de coopération inter-impériale, les transferts entre acteurs européens et non-européens ainsi que l'appropriation (pour la plupart fragmentaire, mais néanmoins significative) de savoirs thérapeutiques "indigènes" jouaient un rôle important dans la construction de la médecine coloniale.
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Roberto Zaugg. Guerre, maladie, empire. Les services de santé militaires en situation coloniale pendant le long XIXe siècle. Histoire, médecine et santé, 2016, Guerre, maladie, empire, 10, pp.9-16. ⟨10.4000/hms.1012⟩. ⟨hal-01418954⟩
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