Mesurer le pluralisme juridique – Une expérience - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2017

Mesurer le pluralisme juridique – Une expérience

Résumé

Le pluralisme juridique, tel qu’il sera compris dans cet ouvrage, est la situation dans laquelle coexistent effectivement, à l’échelle d’une branche du droit et d’un espace étatique donnés, des sources étatiques et des sources privées de règles de droit . Dès lors, si le pluralisme juridique appelle déjà une réponse théorique , c’est-à-dire une réponse à la question de sa possibilité conceptuelle, il appelle également une réponse empirique, soit une réponse à la question de sa réalité factuelle. Ce livre se concentrera sur ce dernier aspect, donc sur la réalité empirique du pluralisme juridique . Il importera de considérer que les normes d’origine privée seraient juridiques au même titre que les normes d’origine étatique, si bien que le pluralisme juridique serait une entière possibilité du point de vue théorique et que, par conséquent, il pourrait être aussi bien réel qu’irréel du point de vue empirique. Ensuite, l’objet du présent ouvrage sera de proposer et expérimenter quelques outils censés permettre de mesurer le niveau de réalité du pluralisme juridique. Ces outils et, partant, ce livre reposeront sur une approche quantitative des normes. Ne sera cependant en aucune façon soutenu que les considérations quantitatives en droit ou sur le droit seraient toujours ni même le plus souvent davantage dignes d’intérêt que les considérations qualitatives. Sans doute un texte à valeur constitutionnelle octroyant des droits fondamentaux à l’ensemble des citoyens est-il, à bien des égards, incomparable à un contrat-type régissant quelques actions dans un certain secteur d’activité. Or, parmi les prochaines pages, sera simplement considéré que le texte à valeur constitutionnelle et le contrat-type portent chacun une ou plusieurs norme(s), sans interroger leurs portées et influences respectives. Toutefois, peut-être existe-t-il des situations dans lesquelles quelques enseignements pertinents peuvent être tirés d’une approche quantitative des normes, a fortiori concernant la problématique du pluralisme juridique. Tel pourrait être le cas, par exemple, des recherches sur l’ « état de l’État », c’est-à-dire des travaux relatifs à la puissance et à la souveraineté de l’État — la puissance reculerait à mesure que les sources privées étendent leur empire, tandis que la souveraineté diminuerait à mesure que les sources publiques externes se développent —. Dès lors, il serait permis de chercher à perfectionner cette approche quantitative des normes. En particulier, peut-être serait-il bienvenu, au sujet des nombres de normes, de procéder à de véritables études objectives et empiriques, à de véritables expérimentations scientifiques, loin de toute spéculation détachée des « faits normatifs ». En effet, en droit comme dans beaucoup de disciplines, la connaissance semble progresser en premier lieu grâce aux enseignements tirés des enquêtes de terrain . En ces pages, le terrain qu’il s’agira d’investir au moyen d’instruments d’analyse scientifique ne saurait être l’ensemble du droit, celui-ci étant bien trop vaste et multiforme pour pouvoir tirer de son étude des conclusions pertinentes. Il sera donc impératif d’opter pour un échantillon de normes, pour une branche du droit qui servira de sujet d’expérience. Dans l’idéal, pour que nombre d’enseignements puissent possiblement être tirés de son étude, ce sujet d’expérience devrait être à la fois représentatif, à travers certaines de ses caractéristiques, des tendances dominantes du droit, mais aussi symptomatique, à travers d’autres de ses caractéristiques, des mouvements risquant d’affecter prochainement le phénomène juridique avec les passages attendus du droit moderne au droit « postmoderne » et des droits nationaux au droit « global ». Autrement dit, le sujet d’expérience devrait être à la fois représentatif du droit d’hier et d’aujourd’hui et symptomatique du droit de demain. Ici, la branche du droit analysée sera le droit des communications électroniques, cela car elle comprend le droit des télécommunications et le droit de l’audiovisuel, représentatifs du droit d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que le droit de l’internet, symptomatique du droit de demain. On a pu critiquer les interprétations globalisantes tirées de l’observation du « droit », du « droit moderne », du « droit positif » ou du « droit français » qui déduisent des lois (scientifiques) à partir d’un ensemble de lois (juridiques) informe, multiple et arbitrairement constitué . Or toute investigation empirique semble devoir porter sur un « corpus normatif » précis, sur un ensemble strictement identifié, homogène et cohérent de règles de droit plutôt que sur des exemples épars opportunément choisis . « Ici comme ailleurs, observe-t-on, le progrès de la connaissance suppose l’abandon des propos généraux […], quelle que puisse être leur vertu démystificatrice ou leur aptitude à suggérer des hypothèses qui restent, dès lors, à vérifier » . Or il est remarquable que, souvent, les ouvrages qui tendent à affirmer la réalité d’un droit « postmoderne » et, plus généralement, de nouveaux paradigmes illustrent insuffisamment et de manière trop hétéroclite leurs propos. Si le droit change, c’est nécessairement que sa matière première (les normes et les institutions juridiques) change. Il serait donc décisif de jalonner le discours de nombreuses illustrations normatives afin de procéder au moyen de démonstrations plutôt qu’au moyen d’affirmations. Comme lesdits ouvrages traitent généralement du droit sans autre précision, les quelques exemples qu’ils comportent paraissent toujours insuffisants car ne correspondant qu’à une maigre part de ce vaste ensemble qu’est le droit, loin de toute représentativité. Et plus grave est la situation dans laquelle on rend compte de mouvements marginaux en en amplifiant artificiellement les effets, considérant alors qu’il ne s’agirait pas de phénomènes ponctuels mais de phénomènes généraux. Les contre-exemples peuvent être plus nombreux que les exemples. Sans doute l’exemple est-il « un allié dangereux pour qui cherche à évaluer le changement dans la mesure même où il a été sélectionné en raison de son exemplarité et donc, plus ou moins consciemment, du fait de son adéquation privilégiée au modèle théorique qu’il a pour fonction d’illustrer » . Jean Rivero disait que, si « l’océan est peuplé d’une infinité de sardines et de quelques cœlacanthes », beaucoup de théories du droit de son époque lui faisaient « penser à une théorie générale du peuplement halieutique élaborée à partir de la seule observation des cœlacanthes » . Aussi une étude s’appuyant non sur des illustrations diverses et variées choisies en vue d’obtenir certains résultats mais sur une branche du droit sujet d’expérience est-elle peut-être bienvenue. Dans ce cas, il n’est plus possible de choisir les exemples en fonction de leur exemplarité, parce qu’ils confortent la thèse soutenue. C’est pour ces raisons que le pluralisme juridique sera dans ce livre évalué à l’échelle d’une branche du droit donnée et non dans l’absolu, non à l’échelle du droit dans son ensemble. Il s’agira de mesurer le pluralisme juridique en droit des communications électroniques, considérant que mesurer ce pluralisme juridique à un niveau plus élevé et a fortiori au niveau de la totalité du droit serait impossible.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01418736 , version 1 (16-12-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01418736 , version 1

Citer

Boris Barraud. Mesurer le pluralisme juridique – Une expérience. L'Harmattan, 394 p., 2017, coll. Le droit aujourd'hui. ⟨hal-01418736⟩

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