Presse et socialisation féminine en Angleterre de 1690 à 1750:
Résumé
Le XVIIe siècle finissant voit un nombre croissant d'Anglaises s'immiscer dans des domaines réservés jusque là aux hommes. Elles investissent les champs littéraires, polémiquent, dénoncent les inégalités que la société patriarcale leur fait subir et vont jusqu'à publier leurs opinions politiques. Conséquence indirecte d'une révolution économique qui s'opère, l'alphabétisme féminin progresse dans les classes moyennes de même que le pouvoir d'achat et les loisirs. A la même époque le périodique littéraire, mensuel ou quotidien, destiné à divertir les lecteurs et à les éduquer apparaît qui cherche à capter ce nouveau lectorat potentiel tout en lui imposant une définition spécifique et limitée de la féminité. Il s'agit pour ces journalistes, notamment pour Pierre-Antoine Motteux, auteur du Gentleman's Journal (1691-1694) et Joseph Addison et Richard Steele, rédacteurs du Spectator (1711-1712/1714) à la fois de séduire les lectrices mais aussi de combattre et limiter une prise de parole féminine jugée dangereuse ou menaçante. Dans ce contexte de tension et de guerre idéologique, comment survivre dans le monde journalistique et comment publier un périodique tout en préservant sa respectabilité quand on est femme? C'est la question que tente de résoudre Eliza Haywood, auteur du Female Spectator (1744-1746) . Au carrefour de l'histoire des femmes et de l'histoire de la presse, cette étude cherche à analyser les facteurs qui ont conduit à une réévaluation de la socialisation féminine au XVIIIe siècle. Elle montre que, avant l'épanouissement du genre romanesque en Angleterre, la presse littéraire a constitué un véritable agent d'éducation intellectuelle et spirituelle des femmes et un redoutable outil de propagande.