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Communication Dans Un Congrès Année : 2016

Le mangeur en milieu hospitalier : les signes-traces alimentaires

Résumé

Vingt à quarante pour cent des patients arrivent déjà dénutris à l’hôpital et, souvent, leur état nutritionnel tend à se dégrader pendant leur séjour. Cette dégradation nutritionnelle peut être expliquée par l’anorexie entraînée par la maladie et / ou ses traitements, par l’offre alimentaire mais aussi par un changement radical des pratiques alimentaires lors de l’arrivée du patient dans l’institution hospitalière (les plats ne sont pas choisis, le patient mange seul, etc.). La lutte contre la dénutrition est alors un enjeu important dans la prise en charge du malade. L’état nutritionnel des patients est caractérisé par des indices physiologiques et mesurables tels que l’indice de masse corporel, l’albuminie et la pré-albuminie. Cette caractérisation nutritionnelle permet notamment au médecin de décider de prescrire ou non de la complémentation nutritionnelle orale (CNO). Néanmoins, dans le cas de patients atteints de cancer et en traitement, s’arrêter à ces traces physiologiques plus ou moins ponctuelles jouant un rôle dans l’arbitrage de la prescription de CNO, ne permet pas une prise en charge holistique du patient. L’alimentation revêt une réalité beaucoup plus complexe qui ne se réduit pas à une réalité biologique mesurable. Comme l’a indiqué Claude Fischler dès 1990 manger c’est « incorporer non seulement de la substance nutritive mais aussi de la substance imaginaire, un tissu d’évocations, de connotations et de significations » (Fischler, 1990 : 15). Ce tissu imaginaire se redéfinit complètement dans le cadre de la maladie. L’alimentation devient sources d’angoisse, d’interrogation mais est aussi pourvoyeuse de réconfort. La conduite d’une série d’entretiens auprès de patients atteints de cancer et en traitement, nous ont permis de souligner que les pratiques alimentaires antérieures sont souvent remises en cause par les patient eux-mêmes qui cherchent à expliquer leur maladie, à trouver une cause rationnelle à leur état. Ce que le patient a consommé devient ainsi une trace qui a impacté durablement son corps, son état de santé et qui a favorisé l’émergence de sa maladie. Pour autant, bien que souvent remise en question, l’alimentation n’est pas qu’un élément anxiogène pouvant expliquer que le mangeur est tombé malade, elle est également une source d’évocations et d’expériences antérieures. Au-delà des souvenirs gustatifs, les pratiques alimentaires laissent une trace mémorielle importante, souvent source de réconfort pour le patient qui cherche ainsi les traces d’une vie antérieure avant la rupture causée par la maladie. Par conséquent, prendre en charge l’alimentation ne peut se résumer à la mesure physiologique de l’état nutritionnel. Les pratiques alimentaires ont un effet sur la corporalité, peuvent être à l’origine de maladie mais au-delà de ces traces corporelles durables, elles sont également riches en traces mémorielles. Ces traces sont ainsi à prendre en compte pour accompagner en profondeur et durablement le patient dans sa prise en charge nutritionnelle en considérant le vécu ainsi que ses impacts tangibles et intangibles.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01340916 , version 1 (02-07-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01340916 , version 1

Citer

Clémentine Hugol-Gential. Le mangeur en milieu hospitalier : les signes-traces alimentaires. Traces du corps organisé par E-laboratoire Human Trace Complex System UNESCO, Jun 2016, Paris, France. ⟨hal-01340916⟩
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