Goldhagen et les Allemands - Explication d'un succès
Résumé
La question posée par "Les bourreaux volontaires de Hitler" n'est pas tant de savoir si le livre de l’historien américain Daniel J. Goldhagen mérite ou non son succès selon les critères usuels de l’historiographie, mais pourquoi une partie du public allemand a réservé un accueil aussi favorable à un ouvrage dont la thèse fondamentale se résume à la formule « sans Allemands, pas d'holocauste », à savoir que l'extermination des juifs avait constitué un "projet national allemand » et que l'antisémitisme « éliminationniste » animant les criminels nazis avait été partagé par la majorité des « Allemands ordinaires ». L'accessibilité et la clarté des thèses, l'approche souvent réaliste et passionnée, le ton à la fois péremptoire et quasi didactique mettent le livre de Goldhagen bien plus à la portée du lecteur profane que le commun des ouvrages savants. Mais ce qui explique sans doute davantage l’écho trouvé par cet ouvrage controversé, c’est qu’il se prête fondamentalement à une double lecture : négative pour les Allemands qui se sentent indissociablement liés à l’histoire allemande et qui l’ont accusé de réactiver la thèse de la culpabilité collective, positive pour les Allemands qui ne partagent pas ce sentiment d’appartenance nationale et qui privilégient la responsabilité individuelle. Or cette dernière constitue de fait l’une des lignes maîtresses de l’argumentation de Goldhagen, ce qui permet d’autant mieux à ces lecteurs-là de se désolidariser des criminels nazis que l’auteur leur atteste que l’époque de l'antisémitisme « éliminationniste » a bel et bien pris fin en 1945.