Absurda Comica Oder Herr Peter Squentz d’Andreas Gryphius (1658), parodie burlesque de Hans Sachs et des Maîtres chanteurs
Résumé
La parodie de la légende de Pyrame et Thisbé traverse l’histoire théâtrale de Shakespeare à la parodie dramatique d’opéra au XVIIIe siècle en passant par le Silésien Andreas Gryphius, dont l’Absurda Comica oder Herr Peter Squenz est l’objet de la communication. La recherche considère généralement cette comédie burlesque comme une réception productive – voire la pure et simple translation allemande – de la farce tragique des artisans du Songe d’une nuit d’été. Or, l’adaptation gryphienne, par-delà son modèle immédiat, fait retour au texte d’Ovide pour en parodier la réception par les poètes et dramaturges du XVIe siècle germanique. Il s’agit, sinon d’une parodie au carré, du moins d’une transformation textuelle au second degré d’une source fabuleuse au service du divertissement. Par le biais de la parodie et de son ambiguïté constitutive, puisqu’elle pérennise ce qu’elle vilipende par ailleurs, Gryphius rend visible une littérature et une pratique théâtrales devenues invisibles aux yeux de la nouvelle élite culturelle post-opitzienne.
La notion de parodie est employée dans un sens plus large que son acception genettienne et étendue au genre, à la dramaturgie et au régime satirique. Au-delà des textes eux-mêmes, ce sont les codes jugés surannés de l’exécution scénique qui sont finement parodiés. A l’intertextualité s’ajoute donc l’« interludicité » parodique. La question se pose aussi de savoir si la parodie a priori autotélique ne revêt pas une portée extratextuelle et extra-théâtrale : soit une visée de satire sociale, la volonté de stigmatiser, plus qu’une pratique dramaturgique désuète, le groupe social qui en est le vecteur historique ; soit, au contraire, une dimension cohésive et récréative propre à toute parodie qui mobilise une culture commune et partagée.