DYNAMIQUES DEMOGRAPHIQUES, DEGRADATION ENVIRONNEMENTALE ET RESTAURATION ECOLOGIQUE : ENJEUX ET OPPORTUNITES - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2014

DYNAMIQUES DEMOGRAPHIQUES, DEGRADATION ENVIRONNEMENTALE ET RESTAURATION ECOLOGIQUE : ENJEUX ET OPPORTUNITES

Résumé

Dans un contexte alarmant d’érosion de la biodiversité, la restauration écologique est devenue un des objectifs fondamentaux de gestion des ressources naturelles des conventions internationales sur le sujet. L’engagement de divers pays dans des approches de restauration est par ailleurs croissant. Compte tenu du coût de la restauration écologique et des difficultés à restaurer, la question de chercher à préserver les écosystèmes, d’éviter leur dégradation et ainsi réduire les besoins futurs en restauration, se pose avec acuité. Si les dynamiques démographiques sont régulièrement abordées comme un des facteurs de dégradation environnementale, aucun travail ne semble traiter les liens qui les lient et qui impliquent la dégradation et la préservation du capital naturel. C’est dans cette optique que s’inscrit ce travail pluridisciplinaire qui propose d’analyser les enjeux et les opportunités du cycle a priori peu vertueux qui lie les dynamiques démographiques, la dégradation environnementale et au final le besoin de restauration écologique. Pour cela, il se base sur une analyse critique de la littérature portant sur la restauration écologique et sur les relations population-environnement, sur une série d’entretiens auprès d’acteurs clefs de la restauration écologique et de l’étude des dynamiques démographiques, et sur l’étude de projets de restauration écologique en Chine et à Madagascar. Née il y a plus d’un siècle, la restauration écologique s’est répandue progressivement dans le monde et a fait l’objet d’une évolution très active ces trente-cinq dernières années. Elle constitue aujourd’hui un secteur d’activités qui s’est structuré et professionnalisé face aux besoins croissants en la matière. Le concept de restauration écologique, qui vise le rétablissement du bon état des écosystèmes ou encore la réparation des dommages causés par l’homme, ainsi que les principes associés ont été définis (SER Primer) par un groupe d’experts internationaux de la Société pour la Restauration Ecologique au début des années 2000. Même si le concept semble aujourd’hui clair, les approches de la restauration écologique sont néanmoins encore largement en évolution. En effet, associée à une démarche qui veut se distinguer en tant qu’outil spécifique de gestion de l’environnement, la restauration écologique se décline en différents dispositifs de mise en œuvre. La restauration écologique dite « classique » ou encore « unidirectionnelle », puisqu’elle vise le rétablissement de l’écosystème en suivant des objectifs écologiques uniquement, domine jusqu’à la fin du XX siècle. Avec l’émergence du paradigme du développement durable au cours des années 1990 et 2000, une seconde approche intégrant progressivement des dimensions sociales et économiques dans la démarche de restauration écologique émerge. Deux dispositifs de cette approche se sont progressivement répandues et cohabitent aujourd’hui dans le monde : la restauration holistique et la restauration du capital naturel (RCN). En prenant en compte les valeurs écologique mais aussi économique, culturelle et personnelle, la restauration holistique vise à mieux appréhender et garantir le rétablissement de l’écosystème à restaurer mais aussi à impulser une gestion durable des territoires et à contribuer au bien-être humain. La logique de la RCN est similaire à celle de la restauration « holistique » mais à une échelle qui se veut plus large ; elle inclut en effet dans le projet l’ensemble des systèmes productifs connectés à l’échelle des paysages. Sur la base d’un volet de restauration « holistique » (qui elle-même intègre un volet de restauration « classique »), les actions menées au titre de la RCN visent l’amélioration des terres arables et des systèmes économiques qui en dépendent. L’analyse des débats et de projets concrets de restauration écologiques montre que, à travers le panorama des déclinaisons du concept de restauration écologique, les approches et dispositifs de mise en œuvre développés concernent différentes échelles et qu’ils s’articulent au final étroitement l’un avec l’autre. Après cette présentation des aspects conceptuels et approche de mise en œuvre de la restauration, nous nous attachons à présenter les dynamiques démographiques s’exerçant sur les territoires et leurs articulations avec la dégradation environnementale, enjeux sous-jacents en lien avec le besoin en restauration écologique. Si nous nous intéressons au débat sur les pressions (directes ou indirectes) qu’exercent les activités humaines sur l’environnement, nous constatons que l’approche historique, notamment défendue par Malthus, souligne l’impact négatif de la pression démographique (poids de la population) sur la dégradation du milieu, l’épuisement des ressources, ou l’appauvrissement des terres. C’est cette approche qui sera reprise dans les années 1960 – quand se développe le champ d’étude population-environnement – soulignant le risque de surpopulation et préconisant la prévention pour limiter la croissance démographique. Certes l’augmentation de la population mondiale a été très forte au cours du XXème siècle, passant de 2 à 7 milliards entre 1927 et 2011, avec un pic de croissance dans les années 1960-70, et les effectifs vont continuer à augmenter dans les années à venir, pour se stabiliser vers 2100 autour de 11 milliards d’habitants. Mais cette vision globale doit distinguer les espaces, la distribution spatiale de la population et sa structure par âge. Il apparait ainsi que certaines régions (notamment l’Afrique) subissent et vont subir une surpression démographique qui fragilise les milieux alors que la population stagne ailleurs (en Europe par exemple). Autre différenciation à faire, celle de la population urbaine qui concentre aujourd’hui la moitié de l’effectif mondial (contre 10 % au début du XXème siècle, avec là aussi d’importantes disparités régionales) évolution qui est notamment liée aux migrations internes qui sont en croissance constante, et qui peuvent provoquer des dépressions dans les zones rurales. Enfin, il convient de noter que ces déplacements de population sont parfois eux-mêmes provoqués par des changements environnementaux, tendance qui devrait augmenter dans les années à venir. Ces distinctions ont permis d’enrichir le débat sur la relation population-environnement qui ne se limite ainsi plus seulement à celui de la pression démographique sur la dégradation du milieu. Les anti-malthusiens soulignent que le partage des ressources est crucial, que leur raréfaction constitue parfois un moteur d’innovation, et peut mener à une meilleure prise en compte de l’environnement. Les modes de production sont aussi mis en cause dans la dégradation du milieu, notamment dans le secteur agricole (brulis, ressources en eau, agro-productivisme, intrants chimiques, surpâturage) ou de l’exploitation des ressources naturelles (pêche non raisonnée, exploitation forestière). A cela s’ajoute des modes de consommations qui contribuent également à la dégradation comme par exemple l’augmentation excessive de la demande en viande, ou la pratique du braconnage pour satisfaire la demande de consommateurs en ivoire. Enfin, le vieillissement de la population (et les répercutions que cela aura) est tout autant à prendre en compte que la croissance pour étudier l’impact des dynamiques démographiques sur l’environnement. Sur la base des réflexions menées sur la restauration écologique et sur les liens entre dynamiques démographiques et dégradation environnementale, un cadre d’analyse et d’aide à la décision de l’efficacité démo-environnementale de la restauration écologique est proposé. Cette efficacité est définie comme la capacité de la restauration écologique à produire des résultats environnementaux positifs à diverses échelles, tout en traitant des dynamiques démographiques mises en cause dans la dégradation environnementale. Ainsi, nous abordons la démarche d’évaluation des projets de restauration écologique et les enjeux associés qui font actuellement l’objet de débats avant de présenter un outil d’aide à la décision. Ce dernier s’organise autour de deux volets: l’un s’intéresse au succès du projet sur le territoire directement visé par l’opération de restauration écologique, grâce à une meilleure prise en compte des dynamiques démographiques, l’autre dépasse l’échelle de ce territoire pour appréhender la place et le rôle potentiel d’un projet de restauration écologique vis-à-vis de changements plus globaux nécessaires à la durabilité environnementale, ce que nous appelons ici une fonction d’anticipation des dégradations environnementales à venir. Concernant le premier volet, à l’échelle du projet, il convient de définir le territoire de référence qui correspond au cadre démo-spatial des dynamiques qui participent à la dégradation environnementale, et cela sans a priori, en intégrant le contexte local, régional, national voir international. Une fois ce territoire définit, cette étude préconise de prendre en compte les dynamiques démographiques selon deux axes – « Surpression-Dépression » et « Production-Consommation » – lors des différentes étapes du projet. Au moment de sa conception, le questionnement portera sur la présence de surpression et comment y remédier (par exemple : nouvelles activités plus respectueuse de l’environnement, intégrer planning familial, aide à l’installation de population dans de nouvelles zones), et sur les facteurs de dégradation de type « Production-Consommation » en cause (voir exemple de Panjin en chine dans l’étude). Ensuite, au moment du suivi du projet, il faudra s’interroger sur les évolutions à prendre en compte, qu’elles soient liées à des changements imprévus provoqués par le projet ou par des contextes externes. Concernant le second volet, la restauration écologique peut prévenir la dégradation environnementale à une échelle plus globale que celle du territoire directement visé par l’opération. Nous montrons que cela est possible par le renforcement, d’une part, du secteur de la conservation de la biodiversité (notamment à travers l’élaboration de politiques publiques ou encore la formation d’acteurs clefs des territoires) et, d’autre part, par l’amélioration environnementale des secteurs potentiellement dommageable à l’environnement (en particulier à travers l’amélioration des politiques sectorielles ou encore la mise en place de dynamiques d’aménagement concerté des territoires). Ce travail exploratoire s’attache donc à comprendre comment les projets de restauration écologique, en intégrant les dynamiques démographiques, peuvent renforcer leur efficacité environnementale mais aussi constituer des leviers d’amélioration environnementale globale. Le renforcement de l’efficacité est possible par la prise en compte des dynamiques démographiques dans leur ensemble (pression/dépression ; production/consommation), et cela à différentes échelles spatiales (le territoire de référence) et temporelles (en amont et tout au long du projet). Les leviers d’alerte et d’action sont introduits dans le but d’éviter des dégradations à plus grande échelle, en favorisant les effets ricochets pour renforcer le secteur de la conservation de la biodiversité et en agissant sur les trajectoires de développement en court potentiellement néfastes à l’environnement. L’évolution des modes de développement vers une gestion durable des ressources naturelles et des territoires nécessite donc de passer par les deux volets proposés. Un outil d’aide à la décision, sous forme de questionnaire, est proposé en fin d’ouvrage pour éclairer les stratégies opérationnelles des bailleurs de fonds et pour mieux accompagner leurs partenaires du Sud dans leurs projets de restauration, et au-delà pour enrichir la boite à outils des solutions à mobiliser face à l’érosion de la biodiversité.
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AFD-Dynamiques démographiques et restauration écologique.pdf (1.65 Mo) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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Dates et versions

hal-01252072 , version 1 (08-01-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01252072 , version 1

Citer

Tiphaine Leménager, Nathalie Bougnoux, Nicolas Roques, Ceydric Martin. DYNAMIQUES DEMOGRAPHIQUES, DEGRADATION ENVIRONNEMENTALE ET RESTAURATION ECOLOGIQUE : ENJEUX ET OPPORTUNITES. [Rapport de recherche] AFD - Agence Française de Développement. 2014. ⟨hal-01252072⟩
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