Les dispositifs de sensibilisation au don d'organes : libérer la parole, contraindre l'expression ? - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2014

Les dispositifs de sensibilisation au don d'organes : libérer la parole, contraindre l'expression ?

Résumé

Il y a une dizaine d’années, les campagnes officielles et dans une certaine mesure associatives promouvant le don d’organes ont changé de cap. Il s’agissait de transformer le discours, de porter un nouveau regard sur la cible : au début des années 2000 l’individu (isolé) est défini comme un spectateur/donneur, aujourd’hui il est appelé à devenir auteur et acteur de la transplantation d’organes. Les campagnes tendent à susciter un engagement réel et symbolique en incitant les personnes à affirmer leur choix au sein du cercle familial et via différentes plateformes web. Or, malgré ce changement de forme et de fond, le taux de refus du don reste stable : en 2003, ce taux était de 32% ; en 2012, il reste inchangé et, selon l’Agence de Biomédecine, 6 refus sur 10 seraient motivés par le refus des proches de la personne en état de mort encéphalique. Ce texte porte sur le changement du discours institutionnel, notamment à travers l’étude des arguments mis en œuvre lors des campagnes de sensibilisation et des dispositifs utilisés à cet escient. Il faut se demander si les diversifications actuelles des dispositifs de sensibilisation au don d’organes ne donnent pas une existence concrète – via l’engagement des publics – à des éléments de discours déjà présents dans les années 1980. Ainsi, la classique métaphore de « chaîne du don à la greffe » se matérialise dans les discussions des fora et par les liens que créent les pages Facebook entre les acteurs (médecins, institutionnels, médiateurs, associations de patients) et les « spectateurs/acteurs ». Il convient d’interroger la portée de tels dispositifs et la manière dont les publics, potentiels donneurs, y interviennent ou non. Comment, notamment, expliquer la stabilité du taux de refus alors que des moyens interactifs et des arguments univoques sont déployés ? Une mise en rapport du matériel collecté via des Focus Groups en 2003-2004 et des éléments de discussion issus d’un forum électronique organisé en 2011 par l’Agence de Biomédecine montre une relative stabilité des attitudes et questionnements face au don d’organes. On peut dire que des comportements « durables » se dessinent : l’adhésion inconditionnelle, encore emphatisée par l’effet de masse liée à l’interactivité électronique, mais aussi, de manière plus diversifiée et subtile, les expressions d’une défiance vis-à-vis du système. De plus, hors ces dispositifs, les personnes non-concernées ou non-sensibilisées, donc pas même spectatrices, paraissent de plus en plus hors d’atteinte. Enfin, nous examinerons le paradoxe communicationnel suivant : l’objectif affiché de l’institution est de libérer la parole, mais en même temps, elle apporte des réponses normées, contraignant le « spectateur/acteur » à choisir la « bonne posture » (donner ou tout du moins, faire un choix).
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Dates et versions

hal-01249236 , version 1 (30-12-2015)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01249236 , version 1

Citer

Anne Masseran, Philippe Chavot. Les dispositifs de sensibilisation au don d'organes : libérer la parole, contraindre l'expression ?. Fabien Bonnet, Fabrice Pirolli. Actes électroniques du Colloque Acteurs, auteurs, spectateurs. Quelle place et quel(s) rôle(s) pour les individus et les groupes au sein des dispositifs et des processus communicationnels ?, , pp.8-28, 2014. ⟨hal-01249236⟩
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