Du discours du trône au plaidoyer contre l'anarchie : les réflexions politiques de Créon dans Antigone
Résumé
L'article est centré sur les deux réflexions politiques de Créon dans Antigone, le discours du trône, v. 175-190, et le plaidoyer contre l'anarchie, v. 661-680. Dans le discours du trône, Créon prétend juger le dirigeant sur ses actes et non sur ses intentions. Il évoque deux types de mauvais dirigeant, le démagogue qui craint le peuple et l'homme qui fait passer ses relations privées avant sa patrie. Des passages tirés de Thucydide, Euripide et Aristophane prouvent que les idées exprimées par Créon devaient être largement partagées par les spectateurs du Ve siècle. Au IVe siècle, dans le Sur l'Ambassade, Démosthène reprend les vers de Créon pour dénoncer la conduite d'Eschine. Ce passage fournit un excellent indice de de ce pouvait être la réception de Sophocle dans l'Antiquité. Créon est donc, dans le discours du trône, un dirigeant avec de bons principes, mais qui en tire de mauvaises décisions. Le plaidoyer contre l'anarchie développe également une série d'arguments acceptables par les spectateurs, mais certains éléments invitent le spectateur à la méfiance. Il existe un décalage entre les principes défendus et la menace représentée par Antigone. L'obéissance absolue réclamée par Créon fait entrevoir le risque d'arbitraire. La pièce illustre la corruption associée à la détention d'un pouvoir tyrannique.