Que font les journalistes français de leur Panthéon professionnel ? Entre fétichisation du passé et questionnements du présent
Résumé
« Aux grands journalistes la profession reconnaissante », telle pourrait être l’inscription inscrite au fronton d’un hypothétique mausolée dédié à la mémoire des grandes plumes de la profession. Comme le ferait un Panthéon « physique », il rassemble les personnages tutélaires du métier. Il est régulièrement visité, ou invoqué, par les contemporains. Il n’est point de culture de métier sans mémoire. A ce titre, les journalistes ne sauraient échapper à ce que Pierre Nora a judicieusement appelé le « fétichisme de la trace ». A l’heure où les mutations accélérées du paysage médiatique produisent, entre autres choses, une véritable crise d’identité professionnelle, il n’est pas anodin d’interroger la façon qu’ont aujourd’hui les journalistes d’ouvrir leur Panthéon symbolique et de convoquer les mânes du métier. Quand les journalistes « visitent » leur Panthéon professionnel, ils ne mobilisent pas une mémoire « historique » ; ils sollicitent plutôt une mémoire « collective », ou « affective », qui projette en fait sur le souvenir des grands noms du métier les incertitudes et les questions auxquelles ils sont actuellement exposés. Dès lors, l’entretien de la mémoire « collective » revêt, pour la profession, deux fonctions essentielles : une fonction de « totem » (renforcement de la cohésion du groupe autour de représentations quasi-mythiques) ; une fonction de « miroir » (reformulation des questions vives du présent). C’est cette hypothèse de double fonction « mnémonique » (P. Ricoeur) que nous voudrions explorer ici.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...