La médiation linguistique au fondement du sens partagé : vers un paradigme de l'enaction en didactique des langues
Résumé
Les mots ont leur histoire, ils naissent du besoin d’exprimer, de partager de nouvelles expériences, de nouvelles idées. Ils voyagent, s’hybrident, se métamorphosent, s’accouplent, se séparent, résistent à la traduction. Témoins vivants du sens et des valeurs que nous attribuons au monde, les mots habillent d’abord notre sensorialité. En effet, la façon dont nous nous percevons dans le monde et la façon dont nous percevons au travers du monde est médiée par nos sens, par la mémoire de nos expériences vécues, reconstruites et imaginées. Le mot médiation a fait ce long chemin : identifié dès le XIIIe siècle pour désigner une intervention humaine entre deux parties, il vient du verbe latin médiare « être au milieu ». Dans son acception contemporaine, il s’applique à la fonction d’intermédiaire, notamment dans des emplois didactiques [1]
[1] Alain Rey. Dictionnaire historique de la langue française....
, mais de façon plus complexe, ce mot suggère à la fois un état sans milieu, sans intermédiaire, ni dans le temps, ni dans l’espace (Trocmé-Fabre, 1994), un couplage structurel (Varela, 1989) ou encore un espace de potentialisation (Aden, 2009a) et d’actualisation de la connaissance. Entre état, processus et résultat, nous allons tenter de définir cette notion dans une théorie systémique de la connaissance qui postule 1) que le système cognitif est dépendant du monde qu’il connaît ; 2) que le contenu de la connaissance est co-déterminé par les interactions entre les sujets entre eux et avec le monde. Cette théorie marque un tournant épistémologique pour les sciences cognitives, celui du passage d’une conception représentationniste et solipsiste de la connaissance à un modèle de type émergentiste.