Principes et contraintes dans la construction des langues de contact : l'exemple des créoles de l'océan Indien - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Travaux du CLAIX / Travaux du Cercle linguistique d'Aix-en-Provence Année : 2013

Principes et contraintes dans la construction des langues de contact : l'exemple des créoles de l'océan Indien

Résumé

L'objet de ce travail est de montrer que la créolisation a obéi à certains principes de restructuration et de réinterprétation bien précis. Une méthode appropriée permet de mettre au jour ces principes, en mettant l'accent sur la notion de système dans un cadre synchronique. Cette méthode est appliquée aux créoles de l'océan Indien : réunionnais et mauricien / seychellois 1. Les principes en question ont été à l'oeuvre dans la genèse des créoles, tant dans le domaine de la phonologie que dans celui de la morphosyntaxe. Il est également intéressant de noter l'interaction entre ces deux composantes et les résultats de cette interaction. C'est dans le cadre de l'examen attentif des principes généraux que doit être ré-évalué le rôle du contact entre les langues. Parmi les principes, on observe (par exemple) : l'application de contraintes phonotactiques, la recherche de congruence entre frontières de mot et frontières de syllabe, ou encore l'interaction entre syntaxe et prosodie. En outre, il sera montré qu'une application étendue de la théorie de la marque (angl. markedness) rend compte efficacement, non seulement de la construction et de l'évolution des systèmes phonologiques des différents parlers (systèmes, règles de réalisation, phonotactique), mais aussi, en grammaire, des systèmes et différents paradigmes verbaux, sans évidemment prétendre tout expliquer à l'aide de cette théorie. Une description syntaxique impartiale montre que dans l'océan Indien, on a d'un certain point de vue deux types de créole : l'un, représenté par le groupe MAU/SEYCH, correspond assez bien à la représentation des créoles que se font a priori, à tort ou à raison, nombre de linguistes, créolistes ou non ; l'autre, représenté par le créole REU, est nettement éloigné de cette représentation. Je pense notamment à la disparition totale de toute trace de morphologie flexionnelle en MAU/SEYCH, alors que le terrain réunionnais révèle plus que de simples résidus de flexion verbale. J'essaierai d'aller plus loin en défendant l'hypothèse que l'opposition entre deux types de formes du point de vue flexionnel est au coeur de la syntaxe du créole REU, et que cela résout la question de la syntaxe du préverbe /i/ en REU, problème bien connu des créolistes. J'essaierai de persuader le lecteur que la présence du /i/ en REU est liée à l'existence d'une morphologie flexionnelle verbale et que son absence en MAU est liée à la disparition de toute flexion. 1 Dans la suite, j'utiliserai les abréviations REU, MAU, SEYCH, pour faire référence au créole réunionnais, au créole mauricien et au créole seychellois, respectivement. Pour les exemples (placés entre barres obliques), j'ai choisi une transcription phonologique : cela m'a finalement semblé le plus approprié dans une perspective de grammaire de l'oral. Pour le créole REU, il existe deux variétés avec un système vocalique différent. J'ai transcrit les exemples dans le système le plus proche du français, qui comprend /y/, /ø/, et les chuintantes /š/, /ž/. Pour les lecteurs qui voudraient lire les exemples dans le cadre de la variété la plus éloignée du français, il suffit de pratiquer les conversions suivantes : /y/ → /i/, /ø/ → /e/, /š/ → /s/, /ž/ → /z/. La conversion inverse aurait posé des problèmes, d'où mon choix. Ajoutons que, contrairement à ce qu'on lit parfois, la variété transcrite ici est vivante et non artificielle, même si elle est sans doute moins fréquente. Par ailleurs, j'ai eu recours aux symboles de l'API, sauf pour les chuintantes, les symboles /š/ et /ž/ permettant mieux que ceux de l'API de rapprocher visuellement les chuintantes (/š/, /ž/) et les sifflantes (/s/, /z/). En syllabe couverte (REU), /e/ se lit [ε], /ø/ se lit [oe] et /o/ se lit [ç].

Mots clés

Domaines

Linguistique
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Citer

Jean-Philippe Watbled. Principes et contraintes dans la construction des langues de contact : l'exemple des créoles de l'océan Indien. Travaux du CLAIX / Travaux du Cercle linguistique d'Aix-en-Provence, 2013, 24, pp.229--252. ⟨hal-00906887⟩
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