Poétique de l'émancipation et parole en archipel
Résumé
S'approprier l'espace en tant que sujet libre a semblé impliquer, pour l'écrivain de la Caraïbe, une quête identitaire qui passe par l'émergence et la construction d'une mémoire qui sera sienne ou revisitée par son regard. Aussi l'écriture de l'histoire participe-t-elle tout premièrement d'une démarche d'émancipation par le changement de point de vue, la parole donnée à d'autres acteurs, ces "oubliés" de l'histoire occidentale, l'héroïsation d'autres personnages et la déchéance d'autres pour inscrire une réécriture ou une autre écriture de cette histoire qui procède de dynamiques d'appropriation, de fondation et d'identification par le biais d'émergences de mythologies fondatrices des identités caribéennes ou de leur quête. Or, cette démarche ne saurait s'opérer sans une recherche sur l'émancipation en termes de poétique, ce qui s'avère complexe si l'on considère que, précisément, cette émancipation passe fort souvent, dans un premier temps, par la connaissance et l'appropriation des formes d'écriture de l'autre, le " colon " ou l'occupant, utilisées dans un second temps pour inventer et offrir à l'aire caribéenne sa propre parole épique (comme le préconisait Alejo Carpentier). Mais cette démarche qui utilise finalement les modèles poétiques européens (le roman, l'épopée, la tragédie) ne saurait suffire, ainsi assiste-t-on au "marronnage" des formes littéraires puis à leur métissage puis à d'autres "improvisations" pour en définitive inventer, dans l'hybridité si caractéristique de l'identité caribéenne, une autre polyphonie tissée de formes plus novatrices.