Troubles du langage figuré dans les troubles schizophréniques : étude électrophysiologique de la compréhension d'expressions idiomatiques chez les sujets schizophrènes et les sujets sains
Résumé
Ce travail a porté sur la question de la compréhension des expressions idiomatiques, considérée ici comme un moyen privilégié d'exploration du sens figuré. L'objectif principal était de confronter les prédictions dérivées de l'hypothèse configurationnelle (Cacciari & Tabossi, 1998) et de l'hypothèse la saillance relative (Giora, 1997) en utilisant à la fois des mesures comportementales telles que les temps de décision lexicale et des mesures d'imagerie cérébrale telles que les potentiels évoqués induits et des populations différentes : personnes adultes de contrôle et schizophrènes stabilisés. L'intérêt porté à cette population pathologique était double : d'une part, le trouble schizophrénique réalise une dissociation fonctionnelle entre processus d'activation et processus intégratifs, d'autre part, cette question, peu abordée en psychopathologie, a des implications thérapeutiques. Un corpus d'idiomes a été constitué (du type : «casser sa pipe», «connaître la musique», etc.) et caractérisé (en terme de compositionalité, de saillance relative des deux acceptions, etc.). Chez des sujets sains, une série d'expériences en décision lexicale, faisant varier le temps de présentation de l'idiome et les durées de l'intervalle inter-stimulus, a montré des résultats clairement en faveur de l'hypothèse de la saillance relative : seule l'acception dominante est initialement activée. Une seconde série d'expériences en décision sémantique, reprenant le même matériel verbal, avec recueil des potentiels évoqués cognitifs, a été conduite chez des sujets contrôles sains et chez des sujets schizophrènes. A nou-veau, les données comportementales et électrophysiologiques (N400 sur le dernier mot de l'idiome et sur le mot cible) sont compatibles avec le modèle de la saillance relative. Le recueil des données se poursuit chez les sujets schizophrènes ; les premières données montrent que les patients, comme les témoins, ont accédé aux deux sens (littéral et figuré) des idiomes.