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Thèse Année : 2020

Not especially poetic

Pas spécialement poétique

François Lacire
  • Fonction : Auteur

Résumé

Poetry talks about poetry; poets speak to poets. These have become self-evident tenets of a poetic modernity that has at once claimed a specific license for poetry and specific missions for the poet, and assumed their privileged isolation. When Nathalie Quintane writes on the back cover of Chaussure (“Shoe”, 1997) that “it really talks about shoes”, and that it is “a book of poetry that is not especially poetic, of a poetry that doesn’t force itself”, she emancipates herself from the specific locus of discourse that has come to be called “poetry”. When Christophe Tarkos affirms, on many occasions throughout his work, that poetry is a discourse of logical truth and clarification, of restrictive accuracy, of pragmatism and efficacy, as well as of discernment, he assigns tasks to it that remove it from the region of discourse to which it has long been assigned by so many traditions. Both Quintane and Tarkos diffuse and dilute the epistemic “question of poetry” (“la question de la poésie”, a very common phrase in French modernism) throughout the epistemological field ; they make the hodge-podge of all specific discourses into the general environment of reception and the general scale against which poetic discourse is measured. The first part of this thesis offers the coupling “question-of-poetry” / “question-if-poetry” as a way of characterizing the renewal, at the beginning of the 1990s, of the series of questions addressed to poetry in modernity. The second part broadens the scope of this problem: in the long-term, questioning the relevance of poetry as knowledge, discourse, and license amounts to questioning the character of the poet’s entitlement to know, to speak, and to make themselves into an exception. In a to-and-fro between a short plot (Francis Ponge, Jean-Marie Gleize, Christian Prigent) and a long plot (Plato, the sophists, German Romanticism, Heidegger), this thesis confronts the traditional specifications of poetry, the more or less poisoned kinds of license attributed to “the poem”, the more or less exclusive and excluding privileges granted to “the poet”, with the works of Quintane and Tarkos. From this perspective, the works of Quintane and Tarkos are radical : they tend to contest the attribution of any specificity to poetry (which they consider to be a public and secular activity that is subject to ordinary language), they are critical of the contemporary discursive division of labour, and strive to render impossible, by continual reference to archaic, classical, romantic, and modern schemas, the reconstitution of a poetic clergy in charge of telling the truth of Being, probing the depths of experience, or raising ordinary language out of its worldly compromises. Here, the word “poetry” no longer refers to a safe place of discourse or a non-place of knowledge, but to a kind of “critical thought” (Quintane) that is suspicious of any form of specialization, and assumes the same idiomatic condition as everyone : not knowing, as you start speaking, what you’re about to mean.
La poésie parle de poésie ; les poètes parlent aux poètes. Ces évidences sont celles de la Modernité poétique, qui entérine à la fois les licences de la poésie, les missions du poète et leur cantonnement. Or, lorsque Nathalie Quintane, au dos de Chaussure (1997), écrit qu’elle entend « parle[r] vraiment de chaussure », et qu’il s’agit d’« un livre de poésie pas spécialement poétique, de celle qui ne se force pas », elle déclare s’émanciper du lieu spécifique du discours qu’a fini par désigner le nom « poésie ». Lorsque Tarkos, à de nombreuses reprises dans toute l’œuvre, affirme que la poésie est un discours de vérité et de clarification logique, d’exactitude restrictive, de pragmatisme et d’efficacité, de discernement, il lui assigne des taKches qui l’éloignent du canton du discours auquel une certaine tradition l’assigne. Tous deux diffusent et diluent la question épistémique propre de la poésie dans l’ensemble du champ épistémologique ; ils font du capharnaüm des discours spécifiques l’environnement de réception et l’échelle d’évaluation générale du discours poétique. Notre première partie propose le couple question-de-la-poésie / question-si-la-poésie pour caractériser le renouvellement, dans les années 90, du jeu des questions adressées à la poésie dans la Modernité. Notre seconde partie élargit les cadres de cette problématique : à l’échelle de la longue durée, interroger la pertinence de la poésie comme savoir, discours, licence, revient à interroger la légitimité du personnage du poète à savoir, à parler, à s’excepter. Dans un va-et-vient entre intrigue courte (Francis Ponge, Jean-Marie Gleize, Christian Prigent) et intrigue longue (Platon, les premiers sophistes, le Romantisme allemand, Heidegger), la thèse confronte son corpus aux spécifications traditionnelles de la poésie, aux licences plus ou moins empoisonnées qu’on preKte au « poème », aux privilèges plus ou moins exclusifs et excluants qu’on accorde au « poète ». Les œuvres de Quintane et Tarkos s’y révèlent particulièrement radicales : elles tendent à contester toute spécificité de la poésie, envisagée comme une activité publique et séculière (aux prises, comme tout discours, avec le courant de la langue), critique d’une division du travail discursif, et attentive à ne pas laisser se reconstituer, dans la référence persistance aux schèmes archaïque, classique, romantique, moderne, un clergé poétique en charge de dire la vérité de l’EYtre, de sonder les profondeurs de l’expérience, ou de relever le langage ordinaire de ses compromissions mondaines. Poésie ne désigne plus alors ni un lieu sur du discours, ni un non-lieu du savoir, mais une « pensée critique » (Quintane) que seules spécifient la méfiance devant toute spécialité et l’assomption conséquente de la condition idiomatique la mieux partagée : ne pas savoir ce qu’on va dire.
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Dates et versions

tel-03371205 , version 1 (08-10-2021)

Identifiants

  • HAL Id : tel-03371205 , version 1

Lien texte intégral

Citer

François Lacire. Pas spécialement poétique : Dé-spécialisation de la poésie au tournant du 21ème siècle à partir des oeuvres de Nathalie Quintane et Christophe Tarkos. Sciences de l'Homme et Société. Université Polytechnique Hauts-de-France, 2020. Français. ⟨NNT : 2020UPHF0002⟩. ⟨tel-03371205⟩
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