La nouvelle politique familiale russe (2007-2020) : de la crise démographique à la représentation de la famille « traditionnelle » - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2020

The new Russian family policy (2007-2020): from the demographic crisis to the representation of the "traditional" family

La nouvelle politique familiale russe (2007-2020) : de la crise démographique à la représentation de la famille « traditionnelle »

Résumé

Using Russia as an example, this thesis tends towards a better understanding of the sociological mechanisms that can influence family dynamics in relation to public policies. The fall of the USSR was accompanied by a demographic crisis which was reflected in the long-term decline of the Russian population. It is in this context that a new family policy is emerging in Russia which aims to influence in depth the dynamics and representations of the family. In the 2000s, the government introduced measures to encourage all women to procreate, regardless of their income. Then, in the 2010's, the state accompanied these economic incentives with a campaign to promote the family explicitly defined as "traditional" (married heterosexual couple with children). On the basis of a field survey carried out in three regions of Russia (Republic of Tatarstan, Republic of Udmurtia and Ulyanovsk oblast), this thesis addresses the different effects of this policy on family dynamics. Even though there has been an increase in the birth rate in recent years, the real impact of the newly introduced measures on quantitative indices is a subject of debate within the scientific community. The qualitative approach on which this thesis is based makes it possible to identify mechanisms at the microscopic level (the family nucleus) which may explain some of the socio-demographic trends observed at the macroscopic level. Unexpectedly, some of these mechanisms run counter to the objectives of the new family policy: the services offered sometimes lead to an improvement in living conditions which enables some beneficiaries to envisage divorce or to leave the parental home. These effects observed in the regions studied call into question two parameters of the 'traditional' model promoted by the state: the married couple and intergenerational cohabitation. Without tangibly influencing the family structure, it is legitimate to ask whether the "traditional" model has a place in the collective representation of the family. At the end of the 2000s, we can observe the emergence of competitions of the model family organised and financed by the regional family policy bodies. The gradual centralisation of these regional competitions in the 2010s is leading to the standardisation of selection criteria, leading to the promotion of a single family model throughout Russia. The promotion of this model involves the media coverage of winning families and their accession to a specific status (e.g.: Ambassadors of Family Happiness in the Ulyanovsk oblast). Through their personal involvement in the implementation of the family policy, prize-winning families exert an influence on their relatives and themselves. The "traditional" family then becomes not only a norm defined by the government and regional authorities, but also a social norm internalised by the introduction of the competitions. The family therefore seems to be influenced by the new family policy, but not necessarily in the direction of the objectives defined by the state. The measures introduced to stimulate the birth rate have an unexpected impact on family dynamics through the improvement of housing conditions brought about by the new benefits, while the promotion of a 'traditional' model influences the representation of the family rather than influencing its structure. The long-term effects of such changes are yet to be observed.
À partir de l’exemple de la Russie, cette thèse tend vers une meilleure compréhension des mécanismes sociologiques pouvant influencer les dynamiques familiales en lien avec les politiques publiques. La chute de l’URSS s'accompagne d'une crise démographique qui se traduit dans la durée par le décroissement de la population russe. C'est dans ce contexte qu'émerge en Russie une nouvelle politique familiale visant à influencer en profondeur les dynamiques et représentations de la famille. Dans les années 2000, le gouvernement introduit des mesures incitant toutes les femmes à procréer, quels que soient leurs revenus. Puis, dans les années 2010, l’État accompagne ces incitations économiques d’une campagne valorisant la famille explicitement définie comme « traditionnelle » (couple hétérosexuel marié avec enfants). Sur la base d’une enquête de terrain réalisée dans trois régions de Russie (république du Tatarstan, république d’Oudmourtie et oblast d’Oulianovsk), cette thèse aborde les différents effets de cette politique sur les dynamiques familiales. Même si l’on observe une augmentation de la natalité depuis ces dernières années, l’impact réel des mesures nouvellement introduites sur les indices quantitatifs fait débat au sein de la communauté scientifique. L’approche qualitative sur laquelle se base cette thèse permet d’identifier des mécanismes au niveau microscopique (le noyau familial) qui peuvent expliquer certaines des tendances socio-démographiques observées au niveau macroscopique. De façon inattendue, certains de ces mécanismes vont à l’encontre des objectifs de la nouvelle politique familiale : les prestations proposées amènent parfois à une amélioration des conditions de vie qui permet à certains bénéficiaires d’envisager le divorce ou de quitter le domicile parental. Ces effets observés dans les régions étudiées remet en cause deux paramètres du modèle « traditionnel » promu par l’État : le couple marié et la cohabitation intergénérationnelle. À défaut d’influencer tangiblement la structure familiale, il est légitime de se demander si le modèle « traditionnel » prend place dans la représentation collective de la famille. On observe à la fin des années 2000 l’émergence de concours de familles-modèles organisés et financés par les instances régionales de la politique familiale. La centralisation progressive de ces concours régionaux dans les années 2010 amène à une standardisation des critères de sélection aboutissant de fait à la valorisation d'un modèle familial unique sur l'ensemble du territoire de la Russie. La promotion de ce modèle passe par la médiatisation des familles- lauréates et leur accession à un statut spécifique (ex. : Ambassadeurs du bonheur familial dans l’oblast d’Oulianovsk). En s’engageant personnellement dans la réalisation de la politique familiale, les familles-lauréates exercent une influence sur leurs proches et sur elles-mêmes. La famille « traditionnelle » devient alors non seulement une norme définie par le gouvernement et les autorités régionales, mais aussi une norme sociale intériorisée par la mise en place des concours. La famille semble donc pouvoir être influencée par la nouvelle politique familiale, mais pas nécessairement dans le sens des objectifs définis par l’État. Les mesures introduites pour stimuler la natalité ont un impact inattendu sur les dynamiques familiales par le truchement de l'amélioration des conditions de logement qu’apportent les nouvelles prestations, tandis que la promotion d’un modèle « traditionnel » influence la représentation de la famille à défaut d'influencer sa structure. Les effets sur le long terme de tels changements sont encore à observer.
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Citer

Svetlana Russkikh. La nouvelle politique familiale russe (2007-2020) : de la crise démographique à la représentation de la famille « traditionnelle ». Sciences de l'Homme et Société. Université de Paris, 2020. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03123807⟩
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