Les intellectuels dans les services de renseignement nazis 1900-1945 Thèse soutenue à l'Université de PIcardie Jules Verne le 21/12/2001 - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2001

Intellectuals in the SS Intelligence

Les intellectuels dans les services de renseignement nazis 1900-1945 Thèse soutenue à l'Université de PIcardie Jules Verne le 21/12/2001

Christian Ingrao

Résumé

Defended in 2001, this Phd-thesis focuses on a specific generation of german elites, who were too young to experience the Mass-death in the Great War but were aimed by a specific rhetoric of legitimation of the war. This children’s specific War culture instilled new patterns of thought in an entire generation, and led them to conceive the aftermath of the War as a continuation of it. The radicalization of the young students and collegians they were immediately after the war is result of the internalization of this social interpretation of war’s experience, and the conclusion of their militant itinerary in the “entrance in Nazism” can be interpreted as an witness of the attractivity of Nazi’s racial fundamentalism, as its typical skill to transform a new kind of collective anguish in a pursuit of Millenium. Militant of the SS the SS in which they entered between 1933 et 1937, these students, mostly historians, jurists, geographers and linguists carried out a police task, as well as the one of ideological experts. Organic intellectuals (Gramsci) in the SS, they also conformed themselves to the model of the activist, so that they could embody the nazi version of the “New man”… At the eve of the war, they were called in the East as leaders of paramilitary SS-Groups, the Einsatzgruppen, which were initially thought to carry out security tasks, such as arrestations, capture of archives and buildings, but also executions of “suspects”. In the USSR, they led the Einsatzgruppen, and inforced the legitimacy of a forthcoming Genocide that they also had to organize . The Phd allowed us to make a comprehensive “history of the Genocidal experience of the perpetrators” (Erfahrungsgeschichte der Täter), and to emphasize, that despite the process of adaptation of the perpetrators which described Christopher Browning, most of the perpetrators came back from the east with a “trauma of the inflicted violence”. Most of these men were taken prisoner after the war. They had to response of their crimes in front of judicial courts. They developed exoneration’s strategies, and most of them managed to escape from the death penalty but the majority of these men stood some years in imprisonment, thanks to the action of a young generation of jurists, who carried out a systematical task of Inquiry of the nazi crime after 1955.
Il s’agit d’étudier un groupe de 80 dignitaires nazis ayant exercé des responsabilités de très haut niveau au sein des organes de répression du IIIème Reich, Gestapo, Service de renseignement (SD), Office central de sécurité du Reich (RSHA). Ces hommes pratiquement tous docteurs sont linguistes, philosophes, économistes, juristes, historiens, médecins. Ils ont occupé des fonctions d’experts, de policiers et d’espions. Par leur travail, ils se situent à la charnière entre discours et pratiques nazies. D’une part, une grande partie de leur travail est d’ordre théorique, idéologique. De l’autre, ces hommes ont conçu, organisé et planifié les politiques génocides mises en œuvre par le Troisième Reich à l’Est. Enfin, ils ont assumé le commandement des unités mobiles de tueries, responsable du massacre de plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants pour la plupart Juifs. On a ainsi étudié la formation de leur système de représentations, en mettant l’accent sur la dimension matricielle de leur expérience de la Guerre de 1914-1918. Enfants, ils assimilent à l’école au lycée et au sein de la famille l’argumentaire de Guerre totale produit par les élites européennes confrontées à la violence paroxystique de la guerre de tranchée. Loin de faiblir, la “mobilisation culturelle” (John Horne) se renforça à la fin de la Guerre, validée qu’elle semblait être aux yeux des futurs intellectuels par la Révolution, la Défaite, l’occupation du sol allemand. Cette culture de guerre, qui prédisait l’avènement d’une ère nouvelle, d’un nouvel âge d’or en cas de victoire, induisait par contre, en cas de défaite, une menace de disparition politique, nationale voire physique. L’Allemagne connut de ce fait une irrépressible poussée d’angoisse eschatologique, étudiée au travers du vécu de ces Akademiker. Cette angoisse de disparition de l’Allemagne en tant qu’État comme en tant que nation a joué un rôle non négligeable dans leur engagement au sein du NSDAP et de la SS. Le Nazisme, système de croyance structuré par le déterminisme racial, proposait des cadres d’interprétation de cette situation, et, tout en exprimant l’angoisse, se présentait comme un système sôtériologique assignant des fins dernières millénaristes à l’avènement du Reich millénaire. L’adhésion au système de croyances nazi fit alors figure, pour les intellectuels SS de stratégie de désangoissement (Denis Crouzet). Cette étude, commencée sous les auspices d’une histoire culturelle du politique, s’est ainsi muée en un projet d’anthropologie social de l’émotion, mais aussi de la violence. Les hommes étudiés ont en effet, dans leur grande majorité, participé activement à l’élaboration et à l'application des politiques du génocide. À lé tête des Einsatzgruppen, ils ont mené les campagnes d’extermination des Juifs soviétiques et polonais. On s’est intéressé dans cette optique à leur rôle, qu’il soit celui d’une instance de légitimation du génocide face aux tireurs, ou celui de la direction des massacres. Il s’est avéré nécessaire de partir des gestes du génocide et des dispositifs matériels de la mise à mort par fusillade pour remonter aux systèmes symboliques qui les rendaient possibles, et pour tenter d’appréhender le vécu de la tuerie par les tueurs et leurs officiers, intellectuels. Il a ainsi été possible de souligner l’existence de deux gestuelles de violence répondant à des logiques sémiologiques différenciées, l’une démonstratrice, l’autre, extirpatrice. On a ensuite analysé l’imaginaire présidant à la tuerie et les grandes ruptures anthropologiques qui sous-tendaient l’adjonction en août 1941 des femmes et des enfants au massacre. Il a enfin été possible d’explorer l’impact des gestes de violence et la confrontation à la violence infligée sur le psychisme des tueurs et de leurs officiers. Si la pulsion génocide était associée à un imaginaire millénariste qui n’était que la résurgence, surmultipliée par le déterminisme racial, d’un imaginaire né au sien de la Grande Guerre, l’approche de la défaite provoqua une résurgence de l’angoisse eschatologique que gérait le système de croyances nazi au moment de l’entrée dans la SS. Les intellectuels SS ont développé des stratégies de déréalisation de la défaite, des stratégies de clandestinité, avant d’être emprisonnés et de passer en jugement. Leurs stratégies de défense devant les tribunaux, faite de mensonge, de déréalisation, de dilution de la culpabilité, laissaient pourtant apparaître des aveux surprenants, des déclarations dangereuses pour leur propre cas, laissant dans certains cas apparaître fugitivement le Tribunal comme une instance d’expression d’un vécu traumatique du génocide, un lieu permettant de dire une partie de la culpabilité, dans une Allemagne ayant enfin effectué sa démobilisation culturelle, ayant décristallisé la croyance nazie. Une Allemagne qui, de ce fait, ne saisissait plus l’imaginaire, fait d’angoisse de ferveur, qui avait présidé au geste génocide.

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Christian Ingrao. Les intellectuels dans les services de renseignement nazis 1900-1945 Thèse soutenue à l'Université de PIcardie Jules Verne le 21/12/2001. Histoire. Université de PIcardie Jules Vernes Amiens, 2001. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03101839⟩
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