LA « NOUVELLE RÉSISTANCE » : STRATÉGIES DE PUBLICISATION DÉPLOYÉES PAR DES INTELLECTUELS CRITIQUES DE LA GLOBALISATION (1994-2005) - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2006

The New Resistance: Publicization Strategies Used by Intellectuals Critical of Globalization 1994-2005

LA « NOUVELLE RÉSISTANCE » : STRATÉGIES DE PUBLICISATION DÉPLOYÉES PAR DES INTELLECTUELS CRITIQUES DE LA GLOBALISATION (1994-2005)

Résumé

This research examines the strategies for occupying the public sphere (or publicization strategies) used by intellectuals critical of globalization. The epithet “critical of globalization” is used to refer to intellectuals who have expressed disapproval of current globalization at least once. Intellectuals have been defined as individuals who meet the following criteria: They have achieved a certain level of recognition; they speak publicly; on social or political issues; and they do so from an explicit ideological standpoint. Research methods included interviews and text analysis. A total of 20 people were interviewed: 13 Europeans and 7 Quebecers. Interviews took place between 2002 and 2004 in Montreal, Paris, Brussels and Toulouse. Analysis focused on texts published between 1994 and 2005. The strategies studied fall into three categories: organizational strategies, dissemination strategies and discursive strategies, which, integral to communication, take into account the context, the medium and the message. Conceptually, this study embraces three main dimensions: (1) intellectuals, drawing on research in history (Sirinelli, Lamonde, Ory, Charle, Kelly, Andrès…), sociology (Bourdieu, Rieffel…) and political science (Brooks and Gagnon…); (2) the public sphere, based on socio-political approaches (Habermas, Fraser, Miège, George, Raboy, Tremblay, Cardon, Granjon, Keane…); and (3) discursive strategies, drawing on works about utopia and grand narratives (Rouvillois, Anthony, Angenot…). Organizational strategies: sociabilities and social networks Interviewees all displayed diverse sociabilities: They are members of various circles, such as the university or publishing environments, but they do not all belong to social networks (Lemieux). “Free agents” actively participate in the activities of social networks that they have connections with by presenting papers or writing articles, but they do not wish to become “official” members of these networks. Moreover, the commitment of those interviewed is not always to their professional activities; therefore, they often assume dual roles, for instance that of high school teacher and education and GATS opponent. The objectives of social networks that seemed to best coincide with the interventions of interviewees were the dissemination of information and the monitoring of public policies. Dissemination strategies: the network of networks vs social networks Interviewees favour social networks over the “network of networks” (Internet). Although the majority use new technologies extensively for research or collaborative work, they hardly recognize their potential for publicization - i.e., their influence in shaping rational public opinion, as philosopher Jürgen Habermas defines it. The intellectuals interviewed still use relatively traditional dissemination platforms, such as public conferences and articles or short publications, as was common during the Dreyfus Affair in the late 19th century. Yet intellectuals are not just militants, they have various claims to fame and each one corresponds to specific symbolic capital (Bourdieu). Therefore they must meet the criteria of each type of symbolic capital, as reflected in presentations of self (Goffman) such as CVs and in the choice of publishers. The dissemination strategies are geared to the audience being addressed by the interviewees, particularly the primary target audience belonging to their social networks, and shape the civil society imagined by those interviewed. Discursive strategies: between an ideal world and a possible world Five characteristics served to analyze utopian ideology (utopianism) among interviewees: radical criticism, collective voluntarism, tabula rasa (or the revolutionary principle), total analysis and global solutions. While radical criticism yielded no surprises with regard to rules of utopian discourse, voluntarism and tabula rasa more often than not engendered accusing the other (“the utopians are the others.”). In terms of analysis, some interviewees contributed to alter-globalist counter-expertise (Granjon and Cardon) while others – with an academic bent, leaning on theory or research – proposed both a normative (grounded in values) and scientific (grounded in interdisciplinary analyses) assessment of globalization. The majority of solutions foster collective voluntarism and its application through political and legal institutionalization with the support of public opinion informed by counter-expertise. Whether it be by re-engaging visionaries, educating future citizens, or informing civil society, the solutions advocated target the minds not the structures.
La présente recherche porte sur les stratégies d’occupation de l’espace public déployées par des intellectuels critiques de la globalisation. Par « critiques de la globalisation », l’auteure signifie que les intellectuels en question doivent avoir manifesté à au moins une occasion leur désapprobation de la globalisation en cours. Les intellectuels ont été définis comme des personnes répondant à quatre critères : elles sont dotées d’une certaine notoriété; elles interviennent publiquement; sur des questions d’ordre social ou politique; et à partir d’un positionnement idéologique explicite. Les techniques d’enquête utilisées ont été l’entretien et l’analyse de textes. Vingt personnes ont été rencontrées : treize Européens et sept Québécois. Les rencontres ont eu lieu à Montréal, Paris, Bruxelles et Toulouse entre 2002 et 2004. Les textes analysés ont été publiés entre 1994 et 2005. Les stratégies étudiées ont été distribuées en trois catégories : les stratégies organisationnelles, les stratégies de diffusion et les stratégies discursives de manière à répondre à la pratique communicationnelle, qui s’intéresse à la fois aux milieux, aux supports et au discours à transmettre. Sur le plan conceptuel, la recherche a documenté trois grands objets. Pour les intellectuels, elle s’est appuyée sur des travaux menés en histoire (Sirinelli, Lamonde, Ory, Charle, Kelly…), en sociologie (Bourdieu, Rieffel, Fortin…) et en sciences politiques (Brooks et Gagnon…). Pour l’espace public, elle a recouru à des approches socio-politiques (Habermas, Fraser, Miège, George, Raboy, Tremblay, Cardon, Granjon, Keane…). Enfin, pour analyser les stratégies discursives, la recherche a fait appel aux travaux menés sur l’utopie et sur les grands récits (Rouvillois, Anthony, Angenot…). Les stratégies organisationnelles : sociabilités et réseaux sociaux Les enquêtés ont tous témoigné de sociabilités diverses : ils fréquentent différents milieux, comme le milieu universitaire ou le milieu éditorial, mais tous ne font pas partie de réseaux sociaux (Lemieux). Les « électrons libres » collaborent très activement aux activités des réseaux sociaux dont ils sont proches en produisant des conférences ou en rédigeant des articles mais ils ne souhaitent pas devenir membres « officiels » de ces réseaux. Par ailleurs, l’engagement des enquêtés n’est pas toujours lié à leurs activités professionnelles, ce qui les amène à remplir une double fonction, par exemple professeur au secondaire et militant sur le dossier de l’éducation et l’AGCS. Parmi les objectifs des réseaux sociaux qui ont semblé le mieux correspondre aux interventions des enquêtés, on a noté la circulation de l’information et le contrôle des politiques publiques. Les stratégies de diffusion : le réseau des réseaux vs les réseaux sociaux Du « réseau des réseaux » (Internet) et des réseaux sociaux, ce sont les seconds qui remportent l’adhésion des enquêtés. S’ils font pour la plupart un grand usage des nouvelles technologies, comme outil de recherche ou de collaboration, ils n’en estiment guère le potentiel publicitaire, au sens où l’entend le philosophe Jürgen Habermas, c’est-à-dire auservice de la formation d’une opinion publique rationnelle. Les intellectuels rencontrés comptent en fait sur des supports de diffusion relativement traditionnels, comme les conférences publiques et la publication de petits ouvrages ou d’articles, tout comme au temps de l’Affaire Dreyfus à la fin du 19e siècle. Mais les intellectuels ne sont pas que des militants, ils sont également dotés de différentes notoriétés et pour chacune d’entre elles, il existe un capital symbolique particulier (Bourdieu). Ils sont donc tenus de satisfaire aux exigences de chaque espèce de capital symbolique, ce qui a été observé dans les présentations de soi (Goffman) que constituent les CV et dans le choix des maisons d’édition. Les stratégies de diffusion sont liées aux publics pressentis par les enquêtés, notamment les publics cibles primaires issus des réseaux sociaux auxquels ils appartiennent, et configurent la société civile imaginée par les enquêtés. Les stratégies discursives : entre le meilleur des mondes et un autre monde possible Cinq caractéristiques ont été retenues pour analyser l’idéologie de l’utopie (ou l’utopisme) chez les enquêtés : la critique radicale, le volontarisme collectif, la tabula rasa (ou principe révolutionnaire), l’analyse totale et la solution globale. Alors que le traitement de la critique radicale répond sans surprise aux lois du genre, celui du volontarisme et de la tabula rasa s’inscrit le plus souvent dans un renversement d’accusation (« l’utopiste, c’est l’autre »). En matière d’analyse, certains enquêtés participent au développement de la contre-expertise altermondialiste (Granjon et Cardon) alors que d’autres, plus investis dans une démarche universitaire – de chercheur ou de théoricien – proposent un devis de la globalisation à la fois normatif (reposant sur des valeurs) et scientifique (reposant sur des analyses interdisciplinaires). Quant aux solutions, elles visent presque toutes à insuffler le volontarisme collectif, puis à le mettre en oeuvre au moyen de la normalisation politique et juridique en comptant sur la pression de l’opinion publique éclairée par la contre-expertise. Que ce soit en réenchantant les imaginaires, en éduquant les futurs citoyens, ou en informant la société civile, les solutions préconisées visent les esprits plus que les structures.
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France Aubin. LA « NOUVELLE RÉSISTANCE » : STRATÉGIES DE PUBLICISATION DÉPLOYÉES PAR DES INTELLECTUELS CRITIQUES DE LA GLOBALISATION (1994-2005). Sciences de l'information et de la communication. Université du Québec à Trois-Rivières, 2006. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02874173⟩
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