La réception d'Aristophane en France de Palissot à Vitez (1760-1962) - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2005

The Reception of Aristophanes in France from Palissot to Vitez (1760-1962)

La réception d'Aristophane en France de Palissot à Vitez (1760-1962)

Résumé

The modern era showed particular fascination for Aristophanes. This was partly due to the exemplary and unique nature of his work as well as his status within the symbolic field of Athenian democracy. This analysis focuses on the various features and different modalities of his reception from 1760 to 1962 in France. Through the study of the critical fortune and ideological interpretation of his works, including their main translations, adaptations and stage-directions, this thesis highlights the evolution and progression of the horizons of expectations and pinpoints the analogical mediations which elevate the author to a canonical status and lead him to the theatre repertoire. The delimitations of so-called ‘Aristophanic’ forms, which made the most of the interaction between stage and caricatures between 1840 and 1914, help the identification of these mediations.
Pendant près de deux siècles, en France, sous des formes et avec des intensités variables, la figure d’Aristophane est l’objet d’une fascination ambiguë. Si l’œuvre du seul dramaturge conservé de la comédie ancienne grecque se définit, pour les lecteurs modernes, par son extrême hétérogénéité culturelle et formelle, son caractère politique et satirique, son mode de référence à l’actualité en font aussi le modèle utopique d’un théâtre en prise sur le réel. Tardivement intégré au répertoire dramatique, suscitant peu de productions hypertextuelles importantes, Aristophane donne lieu, à partir de la fin du XVIIIe siècle, à un nombre croissant de réactualisations d’ordre politique ou d’ordre formel. Parcourant, sur fond d’analogie symbolique entre l’Athènes démocratique et les constructions politiques républicaines, tout le spectre des positions idéologiques, le poète athénien sert aussi de modèle théorique à un ensemble de formes plus ou moins dérivées et qualifiées d’« aristophanesques », qui précèdent les adaptations proprement dites de ses textes. L’étude des différentes concrétisations de l’œuvre révèle l’importance qu’y revêt la dimension assimilatrice et analogique, et permet ainsi d’interroger au plus près les mécanismes de médiation intervenant dans le processus de réception. L’objet de ce travail est précisément de mettre en évidence les grands traits et l’évolution de la réception d’Aristophane en France dans la période où s’épanouit ce jeu de recontextualisation. À travers l’étude des traductions, de la fortune critique, savante ou grand public, celle des adaptations et des mises en scènes, celle enfin des formes dérivées, il s’agit de reconstruire les dispositifs de médiation qui modélisent l’intégration et la valorisation de la comédie aristophanienne dans le champ de l’histoire littéraire, puis dans le champ théâtral. On montre ainsi que les concrétisations de l’œuvre d’Aristophane s’inscrivent dans le cadre d’une histoire des horizons d’attente, dans leur double dimension esthétique et idéologique. Dans un premier temps, l’étude se centre sur la progressive intégration canonique du comique athénien, entre l’époque classique et le XIXe siècle. Le passage de la méfiance envers l’auteur grec à sa canonisation s’opère en relation étroite avec l’évolution du paradigme esthétique dans lequel s’intègre la lecture de son œuvre. Le modèle négatif de la satire personnelle, qui s’impose au XVIIIe siècle et s’accentue avec Les Philosophes de Palissot, apparaît inacceptable sur le plan éthique et irrecevable du point de vue de l’esthétique dramatique (chapitre I). L’élargissement et la diversification du modèle au XIXe siècle accompagnent l’entrée d’Aristophane dans le panthéon littéraire. Le chapitre II, outre la description approfondie de ce nouvel horizon d’attente à la fois pamphlétaire, journalistique et caricatural, aborde les modalités de la diffusion et de la traduction d’Aristophane au XIXe siècle, du point de vue de la question sensible de l’expurgation. La première partie pose ainsi les bases à la fois esthétiques et sociologiques de la réception du dramaturge grec au XIXe siècle. La deuxième partie aborde les diverses formes de concrétisations analogiques du comique athénien entre le XIXe et le XXe siècle. Les chapitres III et IV sont consacrés à l’analyse des formes dites aristophanesques. Une étude structurelle et formelle montre que leur relation de dérivation par rapport à leur modèle tient à un mimétisme générique, qui s’exerce précisément sur les traits constitutifs de l’horizon d’attente esthétique dans lequel est reçu l’auteur grec. La grande « comédie aristophanesque » retrouve sa dimension pamphlétaire, tandis que les autres formes actualisent ses aspects satiriques et caricaturaux, à travers un va-et-vient entre le théâtre et la satire journalistique illustrée. La revue de fin d’année, sous-genre vaudevillesque systématiquement comparé à la comédie aristophanienne, fait l’objet d’une étude spécifique. Le chapitre V se focalise de son côté sur les concrétisations idéologiques, principalement politiques, que connaît l’œuvre depuis la Révolution jusqu’aux années 1950. Au-delà de l’identification des différentes « positions » attribuées à l’auteur – de l’extrême droite au communisme –, on tente de saisir, derrière l’évolution des lectures politiques, la présence de stratégies de légitimation ou de dénigrement, qui prennent place dans le champ plus vaste de l’usage symbolique de la représentation de la démocratie athénienne. La bascule idéologique qui déporte à gauche l’interprétation politique d’Aristophane au XXe siècle est également mise en rapport avec la troisième grande mutation de l’horizon d’attente esthétique qui s’y opère. L’inflexion de la lecture politique d’Aristophane est inséparable de son assimilation à la farce et aux genres connexes de comique populaire, premier modèle générique véritablement dramatique. La troisième et dernière partie est consacrée à l’étude des adaptations scéniques et des mises en scène d’Aristophane depuis le XIXe siècle jusqu’au début des années 1960. Dans une perspective d’analyse dramaturgique et ¬spectaculaire, il s’agit de retracer l’histoire des adaptations des œuvres du comique grec sur les scènes françaises, jusqu’aux créations des grands metteurs en scène du XXe siècle, de Lugné-Poe à Vitez. L’étude se centre sur la question des modèles dramaturgiques et esthétiques utilisés pour intégrer une écriture hétérogène à la tradition comique française, puis aux recherches théâtrales consécutives à la Première Guerre mondiale. Le chapitre VI aborde les premiers essais du XIXe siècle, entre la comédie de mœurs et le vaudeville, avant de s’arrêter sur la Belle-Époque et sur l’adaptation boulevardière d’Aristophane qui s’y déploie dans le sillage de la Lysistrata de Donnay. Largement dépolitisées et infléchies dans le sens de jeux grivois ressortissant aux codes du boulevard, ces réalisations parviennent à intégrer quelques textes aristophaniens à l’esthétique bourgeoise dominante en recourant à un régime référentiel parodique. Elles ne survivent guère dans l’entre-deux-guerres, qui voit l’apparition de mises en scène beaucoup plus soucieuses de se rapprocher de la structure et de l’efficacité politique des œuvres d’Aristophane. Le dernier chapitre étudie les créations marquantes des années 1920 à 1960, depuis le cycle des mises en scènes de Dullin jusqu’aux tentatives de Vilar, Gignoux et Vitez pour retrouver à travers La Paix l’engagement qu’impliquait la comédie aristophanienne. L’analyse des adaptations et des mises en scènes est articulée aux modèles idéologiques, dramaturgiques et spectaculaires présents dans les horizons d’attente contemporains analysés dans la deuxième partie. Elle tente de montrer comment la synthèse opérée par Dullin, qui réussit à donner corps à l’utopie d’un théâtre aristophanesque perpétuellement réactualisable, dans une esthétique de la participation, ne résiste plus à ses contradictions au moment de l’émergence d’un théâtre critique d’inspiration brechtienne.
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Citer

Romain Piana. La réception d'Aristophane en France de Palissot à Vitez (1760-1962). Musique, musicologie et arts de la scène. Université Paris 8, 2005. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02147082⟩

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