Les dialogues militaires des ingénieurs italiens au XVIème siècle : transmission des savoirs et aspirations littéraires - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2011

The Military Dialogues of the Italian Engineers of the 16th Century : Transmission of Knowledge and Literary Aspirations

Les dialogues militaires des ingénieurs italiens au XVIème siècle : transmission des savoirs et aspirations littéraires

Résumé

The first of the three parts of my thesis consists in the definition of the historical and cultural context in which the military dialogues were written and published. I describe the position of inferiority which caracterized, since Antiquity, the ‘meccanici’ in opposition to the ‘literati’ or, more generally, the defenders of the liberal arts. Then, I focus on the courts, presented as a highly competitive place topped by the Prince and toward which the authors of the military dialogue had to turn hoping for professional and social mobility. The technicians had real opportunities for there careers essentially because of the interest showned by renaissance states for their discipline. In this context, the publication of books - considered as a valuable object to be exchanged at court, as a substitute for military action or as a mean for the author to expose his skill - could representant a very significant weapon. In the second part of the thesis, the focus shifts closer to the texts themselves. Their subject was in itself an advantage, especially in so troubled a period : military arts were in fact celebrated through rhetorics as one of the most important discipline for mankind. Didactics books which treated this kind of problems proved useful because they allowed the italian states to try and improve their military power : the modern art of war needed instructed captains or artillerymen. The way in which the various military experts tried to answer this need for military instruction depends on their conception of the discipline. Three distinct approaches emerge from the military literature of the period even if all of them generally recognized the absolute necessity of combining theory and practice. The first approach is the one supported by the soldiers, experts of the field who claim the superiority of practical knowledge and tend to criticise the ‘theorici’. The Humanists, on the contrary, have a general and aristocratical approach of the military arts and give an uttermost importance to the ‘auctoritates’ and to classical virtues. Finally, the technicians builded their approach of modern warfare upon mathematical and geometrical knowledge. As did some artists like Leon Battista Alberti since the 15th century, these mathematician practitioners claimed the revaluation of theory. The place given to mathematics helped the ennoblement of their discipline by the technicians. The last part consists in the analysis of the rhetorical, stylistic and more generally formal means used in the military dialogues. Such means, and particularly those linked with the dialogical form, served precise goals : the promotion of the military skills of the authors and the realization of an efficient transmission of technical knowledge. The military experts, however, could not count on the sole didactic function of their texts : the dialogues had to appeal to the public of renaissance courts. Thus, the ‘delectatio’ represented an absolutely essentiel aspect the engineers could not neglect given the competition they were confronted to.
La thèse comprend trois parties dont la première vise à définir le contexte historique et culturel dans lequel se développa la production littéraire prise en considération. Nous y décrivons la position d’infériorité relative qui était, depuis l’Antiquité, celle des praticiens (mechanici) par rapports aux lettrés et, plus généralement, aux représentants des arts libéraux. Nous décrivons ensuite le milieu dans lequel évoluèrent les auteurs des dialogues étudiés, c’est-à-dire la cour, centre névralgique et décisionnel de la société à cette époque et qui, passage obligé de l’ascension sociale, était aussi un milieu hostile et très fortement concurrentiel. Le prince occupait le sommet de sa hiérarchie et se situait au cœur des dynamiques internes qui l’animaient. Les techniciens tels que certains des auteurs des ouvrages étudiés devaient se confronter à ce milieu s’ils espéraient faire carrière. Les possibilités d’évolution professionnelle et sociale qui s’ouvraient à eux étaient réelles : les États italiens montrèrent en effet au XVIème siècle un intérêt certain pour les disciplines techniques et proto-scientifiques. Dans ce contexte, la production textuelle représentait un moyen d’action de première importance. Le livre pouvait en effet être conçu comme une monnaie d’échange dans les relations courtisanes, mais aussi comme un succédané à l’action militaire ou comme un moyen efficace pour la promotion des compétences de l’auteur. La deuxième partie de la thèse nous rapproche des textes qui forment le corpus de recherche. Le fait que ces ouvrages traitaient d’affaires militaires représentait un atout dans les cours de la péninsule au XVIème siècle et pouvait leur assurer une réception favorable tout en ouvrant des perspectives de carrière à leurs auteurs. Le premier chapitre de cette partie vise donc à montrer comment était perçue l’utilité de l’art militaire à cette époque. Si la rhétorique faisait de son exaltation un véritable lieu commun, la réalité historique conduisait à un constat unanime : celui de la nécessité urgente pour les États de la Péninsule, qui subirent des échecs cuisants dans la première partie du siècle notamment, d’améliorer l’efficacité de leurs armées. La production d’ouvrages militaires aux finalités didactiques s’encadre, en partie tout du moins, dans ce contexte et répond à la volonté de proposer une instruction militaire plus avancée. La manière dont les auteurs des dialogues étudiés cherchèrent à répondre à ce besoin vital dépendait substantiellement de leur conception de l’art militaire. On en distingue trois principales à cette époque mais toutes préconisent, dans des proportions et selon des modalités différentes, l’union des connaissances théoriques et pratiques. Les hommes de métiers – des membres de l’aristocratie ayant souvent reçu une certaine formation culturelle – revendiquaient la supériorité des savoirs pratiques et critiquaient ceux que l’on appellera les théoriciens purs. Dans leurs ouvrages, ils arrivaient parfois à remettre en cause la pertinence d’une transmission des savoirs militaires par l’écrit. Le paradoxe n’est cependant qu’apparent : la notion clé de l’experimentum – qui peut s’accommoder du support écrit – permet de le résoudre. L’approche de type humaniste, de son côté, relève d’une perspective générale et aristocratique de l’art. Le recours aux auctoritates antiques y est fréquent et les vertus classiques occupent une place de premier ordre. Enfin, les techniciens de la guerre faisaient des mathématiques le fondement essentiel de leur conception de l’art militaire moderne. Ces mathématiciens praticiens soutenaient avec une force particulière la revalorisation des savoirs théoriques déjà en cours dans d’autres disciplines artistiques. Les évolutions radicales qui caractérisent l’art de la guerre au XVIème siècle sanctionnèrent l’efficacité d’une telle approche. Surtout, le recours aux mathématiques représentait la possibilité d’un ennoblissement de métiers qui n’étaient plus seulement « mécaniques ». De cette promotion intellectuelle, les ingénieurs pouvaient tirer des bénéfices notables en termes d’évolution professionnelle et aspiraient parfois à l’accession à un statut social supérieur. La troisième et dernière partie de la thèse consiste en l’analyse des dialogues du corpus : une analyse des moyens – rhétoriques, stylistiques et plus globalement formels, avec une attention particulière l’exploitation du genre dialogique – mis en œuvre par leurs auteurs pour atteindre les objectifs qu’ils souhaitaient atteindre à travers la publication de leurs ouvrages. Ces objectifs fondamentaux, que l’on a décrit d’un point de vue théorique dans la première partie, sont la promotion des compétences de l’auteur et la réalisation d’une transmission de savoirs efficace afin de faire des dialogues des outils potentiels pour l’amélioration de l’efficacité militaire. La dimension didactique des textes étudiés est évidente et le recours au genre dialogique pouvait se présenter comme une option séduisante dans ce but, même pour les représentants de l‘approche technicienne. Toutefois, et c’est là l’objet du dernier chapitre de cette partie, les auteurs des dialogues militaires devaient impérativement se conformer aux modalités de la communication courtisane pour assurer le succès de leur production textuelle et, par conséquent, des stratégies qu’elle pouvait servir. En d’autres termes, les dialogues devaient plaire au public des cours : l’aspect dilettevole (plaisant, agréable) – qui se traduit en grande partie par le soin accordé à la forme – représentait également un atout non négligeable face à la rude concurrence auxquels les ingénieurs étaient confrontés.
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Citer

Michel Pretalli. Les dialogues militaires des ingénieurs italiens au XVIème siècle : transmission des savoirs et aspirations littéraires. Littératures. Scuola Normale Superiore di Pisa; Université de Franche-Comté, 2011. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02017949⟩
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