Etude syntactico-sémantique de la particule espagnole ENDE : diachronie d'une disparition - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 1999

Estudio sintactico y semantico de la particula espanola ENDE : diacronia de una desaparicion

Etude syntactico-sémantique de la particule espagnole ENDE : diachronie d'une disparition

Résumé

Estudio sintactico y semantico de la particula espanola ENDE : diacronia de una desaparicion
Le français moderne dispose de deux unités, en et y, susceptibles de prendre les valeurs partitives, anaphoriques ou cataphoriques. l’espagnol contemporain est dépourvu d’éléments équivalents, même si ont existé un y et un ende avec des valeurs en partie communes avec le français. Le inde latin a eu une descendance jusqu’au français contemporain, alors que le même inde n’a eu de descendance en espagnol que jusqu’à la fin du XVème siècle, et au plus tard jusqu’au milieu du XVIème siècle. Cette descendance de inde en espagnol, ende, ne survit que dans une expression lexicalisée et savante qui appartient au vocabulaire philosophique ou juridique, por ende. Plutôt que de retracer l’histoire d’un mot qui disparaît, l’étude diachronique, de inde à por ende, inscrit l’évolution puis la disparition d’un adverbe dans un mouvement plus géneral, celui de la mise en place du système d’expression du partitif en espagnol médiéval. Etymologiquement, l’origine de ende ne fait aucune difficulté : il vient de l’adverbe latin inde formé sur le même thème que l’anaphorique is, qui indique le lieu d’où l’on vient. Il répond à la question Unde? d’où? Les adverbes ibi, eo, inde, ea, formés sur is, démonstratif de rappel, désignent aussi l’endroit dont on vient de parler. L’emploi de ibi, eo, inde, ea, suppose non seulement le renvoi, mais avant tout l’existence d’une situation antérieurement évoquée sans laquelle ces pronoms n’auraient aucune raison d’être : ils renvoient à une situation évoquée antérieurement dans le discours, c’est-à-dire à du «déjà pensé». On peut donc raisonnablement envisager l’idée que, dès les débuts de l’espagnol, ende aurait hérité avec inde d’une évolution déjà amorcée et bien avancée en latin vulgaire : de l’adverbe renvoyant à un lieu précis à un adverbe permettant une anaphore discursive précise ou plus diffuse. La première partie de la thèse est l’observation de la capacité référentielle de ende des débuts de l’espagnol jusqu’au milieu du XIVème siècle. Ende est anaphorique d’un lieu précis (deixis ad oculos). Dès les premiers textes, les premières occurrences, l’adverbe ende est lié à un lieu géographique précis, à un verbe de mouvement ou d’extraction. Ces ocurrences de ende constituent la majorité des exemples du corpus. Ende peut renvoyer à un lieu non précisé géographiquement, et dans ce cas il est lié aux prépositions en, por ou a présentes dans la phrase, à ay ou à alli également présents dans la phrase. Le lieu signifié par ende est parfois implicite à titre de lieu préalable supposé acquis. Le contenu sémantique du verbe joue donc un rôle fondamental dans l’interprétation que l’on a de ende. Lieu explicite ou implicite, ende dit toujours la même chose et suit le glissement qui s’est éventuellement opéré dans la phrase, parce que le contenu du verbe et tout le contexte de la phrase le permettaient. Ende est anaphorique d’une chose, d’un ensemble de choses, d’un propos, d’une situation. Malgré les apparences, ende fonctionne toujours comme un adverbe, faisant référence à un lieu du discours : l’anaphore est beaucoup plus diffuse, et le discours apparaît comme un lieu général d’où l’on peut prélever un propos posé dans l’antériorité. Dans ces ocurrences, constituant dès les débuts de l’espagnol l’essentiel du corpus, avec ende anaphorique d’un lieu géographique précis, ende est lié à l’idée de conséquence comme si, à partir de l’idée de provenance, d’origine, le mot avait glissé vers l’idée de provenance liée à une situation donnée dans l’antériorité discursive, ayant des conséquences d’ordre moral. Le lieu du prélèvement aussi s’est déplacé : il n’est plus d’ordre géographique mais uniquement discursif. Les formules les plus courantes apparaissent sous la forme suivante, et se prêtent à de nombreuses variations : fazer ende + substantif, aver ende + substantif, ser ende + adjectif exprimant un état. Qu’il s’agisse d’un adjectif ou d’un substantif exprimant un sentiment, ces formules apparaissent comme des conclusions, des états résultant d’un fait posé antérieurement : l’idée d’origine et de provenance est toujours bien présente dans l’association de ces verbes avec ende. Ende est très souvent associé à un verbe exprimant un sentiment ou portant un jugement sur ce qui vient d’être dit. Dans ces exemples, l’anaphore est parfois si diffuse, que l’on pourrait se heurter à deux difficultés que l’on rencontre parfois avec le en français : 1°- retrouver dans l’antériorité discursive et délimiter le propos ensuite réactualisé par la formule 2°- le problème de l’ambiguïté : nous n’avons été confronté à ce problème dans aucun exemple, parce que, précisément, ende est intégré dans une formule qui intervient immédiatement après un propos. La deuxième partie de la thèse montre une évolution dans l’emploi qui est fait de ende à partir du milieu du XIVème siècle et jusqu’à sa disparition. Ce n’est pas avant le milieu du XIVème siècle que l’on observe une évolution dans l’emploi de ende, dès la Crónica de 1344, ensuite dans la Gran Crónica de Alfonso XI (1376-1379), et jusqu’au Victorial, au XVème siècle. Au cours du XIIIème siècle. C’est le rapport entre le verbe et ende qui va marquer le début de la disparition de ende en tant que mot anaphorique seul. L’analyse des occurrences permet de dégager deux phénomènes concommitants: - A partir du milieu du XIVème siècle, les verbes associés à ende ne sont plus des verbes que l’on pouvait qualifier d’extraction, mais des verbes statiques, que ende soit anaphorique d’un lieu géographique précis ou non. On a vu que ende était plutôt associé à des verbes du type echar, levar, escapar, mover, salir, partirse... Désormais, ende est associé à des verbes du type fazer, fallar, yr, murir, aver, et surtout estar, dans le Victorial (XVème) et dans Amadís de Gaula (XVème). - Le second phénomène, mettant en jeu l’anaphorique dent, devenu peu à peu dende (au fil de la Primera Crónica General qui s’échelonne de 1270 à 1340-1345), confirme la disparition annoncée de ende : jusqu’au milieu du XIVème siècle, dende fait concurrence à ende pour renvoyer à un lieu géographique précis, et comme ende, il est associé à des verbes du type partirse, salir... La préposition de (de + ende = dende) renforce l’idée de provenance quelque peu perdue dans ende. A partir du milieu du XIVème siècle, s’esquisse l’évolution de dende, qui conduit au partage suivant apparent dans la Gran Crónica de Alfonso XI (1376-1379): - Dende est anaphorique d’un lieu singulier et précis précédemment évoqué, aux dépens de ende. Il est systématiquement associé à un déplacement à partir d’un point de départ et souvent avec un point d’arrivée : et dende fueronse para... En partant d’un exemple du Conde lucanor (1328-1329), où ende est anaphorique d’un lieu singulier, et en observant les différents manuscrits, on s’aperçoit que ende est remplacé par dende dans les manuscrits les plus tardifs. - Dende s’installe dans sa valeur temporelle dans des expresions lexicalisées telles que dend a aca fasta hoy, dende a poco tienpo... On peut parler de lexicalisation dans la mesure où le référent temporel marquant le point de départ, explicite au XIIIème siècle, devient peu à peu implicite dans le Victorial : le point de départ temporel est supposé par le fait antérieurement évoqué. - Ende est réduit à l’anaphore discursive diffuse dans les expressions ovo ende muy grand plazer, pesoles ende mucho, plugole ende mucho... C’est donc cet emploi de ende qui va disparaître peu à peu, l’espagnol se passant finalement d’un simple joncteur mémoriel. La dernière partie de la thèse inscrit la disparition de ende au sein de l’élaboration de tout un système qui se met en place à partir du milieu du XIIIème siècle. Au cours du XIIIème siècle, l’autre anaphorique, y, évolue. Pour reprendre la théorie de Gustave Guillaume, y entre en subduction. En espagnol médiéval, y s’oppose aux pronoms-adverbes déictiques acá-aquí / ahí / allí-allá, lesquels ouvrent au regard de la pensée un espace trimorphe, dont ils évoquent une aire, ce que y, ne fait point. Dès les débuts de l’espagnol jusquà 1250 environ, y a pour fonction de rappeler un lieu singulier préalablement évoqué dans le discours. Le lieu demeure parfois dans l’implicite à titre de «préalable supposé acquis» comme pour ende. Ces valeurs de y se retrouvent aux débuts de l’espagnol dans la construction aver y, où la fonction du pronom y est d’assigner par anaphore à l’idée d’existence signifiée par aver un lieu singulier, mental ou, plus souvent, spatial. Au cours du XIIIème siècle, après 1250, on trouve des emplois de la construction Aver y, où y n’est plus un mot anaphorique renvoyant la pensée à un lieu singulier antécédent, explicite ou implicite. Y apparaît maintenant capable d’apporter l’impression d’un lieu non singulier, sans antécédent discursif et maintenu dans l’indéfini.Y subduit, ne signifie plus, par rappel anaphorique, un lieu singulier, mais dans l’en-dessous de cette représentation, celle d’un avant de ce lieu : l’espace, lieu général contenant de tous les lieux particuliers pensables auxquels il préexiste. Ende n’a survécu que dans l’association qu’il a formée très tôt avec por. Il n’a pas survécu à la lexicalisation subie par l’expression foras ent (hors de), devenue fueras ende (en dehors de, sauf) puis fuera. Fuera est resté mais ende a disparu. On peut voir dans la subduction de y l’explication de sa survie : y a survécu dans ay parce qu’il ne dit plus un lieu singulier mais un avant de ce lieu, l’espace, lieu général contenant de tous les lieux particuliers. Après l’évolution subie par y à partir de 1250, s’est fatalement posé le problème de la place de l’adverbe ende dans ce nouveau système proposant deux types d’anaphore : - ay dit un avant de ce lieu, le lieu général de tous les lieux particuliers. - les déictiques permettent une vision trimorphe de l’espace, qu’il s’agisse de l’anaphore d’un lieu précis (de allí) ou d’une anaphore plus diffuse (de ello). Face à la concurrence des déictiques aca, aqui, ahi, alli, alla, y a evolué vers un lieu indivisible préalablement défini. Mais face à cette même concurrence des pronoms adverbes déictiques (de alli, de aqui, d’esso d’esto de aquesto auxquels s’ajoute de + pronom personnel), ende et de ne pouvaient que s’effacer et laisser au locuteur la représentation mentale du partitif. L’adverbe ende n’avait pas sa place entre l’espace général préconçu et l’espace trimorphe.
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  • HAL Id : tel-01846037 , version 1

Citer

Gabrielle Le Tallec Lloret. Etude syntactico-sémantique de la particule espagnole ENDE : diachronie d'une disparition. Linguistique. Université Sorbonne Paris IV, 1999. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-01846037⟩
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