Les intentions du dessinateur. Un cas d'étude à l'interface entre la philosophie de l'art et les sciences cognitives. - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2008

Les intentions du dessinateur. Un cas d'étude à l'interface entre la philosophie de l'art et les sciences cognitives.

Résumé

Can we perceive a picture as the result of an intentional endeavour? More precisely, do pictures possess "intentional properties", that is, properties that are perceived as being the result of intentional actions by the artist? This question is interesting because it is situated half-way between conceptual analysis developed by analytic philosophy of art and empirical research in the cognitive sciences. On the side of philosophy of art, the thesis is linked on the one hand to the intentional thesis, according to which the evaluation of an artwork as such is necessarily grounded in the intentions of the artist, and on the other hand with the experiential thesis, according to which the evaluation of a picture as such only uses those elements that one can see in the image. Arguments exist to the effect that each of these two latter theses is essential to the artistic evaluation of images. However, there is a tension between the two theses, as one cannot see the intentions of the artist by looking at the image. The two theses can only be reconciled if one accepts that the properties of the pictures can be seen as the result of the intentions of the artist, that is, only if one is prepared to answer affirmatively to the question of the intentional properties of pictures. Now, any such answer has an empirical component that cannot be ignored. As a matter of fact, the question of the intentional properties of images ought to be connected to research in different branches of cognitive science that deal with the recovery of other's intentions. Traditionally, philosophers of art incline to eschew the question, by arguing that we have here just a case in which our perception of an object is influenced by our propositional beliefs. Thus we can perceive the intentional properties of pictures thanks to the influence on our perception of our propositional beliefs relative to the intentions of the artist and to the context in which the picture was produced. A careful examination of the ways in which propositional beliefs can influence perception shows that this approach is inadequate. The propositional view is at odds with a current philosophical tenet according to which one can simultaneously perceive intentional and representational properties. It also has trouble explaining the detection of certain qualities, such as the draftsman's dexterity, and does not account for the recognition of style and for stylistic influences.
Peut-on percevoir une image comme le produit d'une certaine démarche intentionnelle ? Plus précisément, les images ont-elles des " propriétés intentionnelles ", c'est-à-dire des propriétés que l'on voit comme le résultat des actions intentionnelles de l'artiste ? Cette question est intéressante car elle occupe une région intermédiaire entre l'analyse conceptuelle développée par la philosophie analytique de l'art et la recherche empirique en sciences cognitive. Du côté de la philosophie de l'art, elle est connectée à la thèse intentionnelle, selon laquelle l'évaluation d'une œuvre d'art en tant qu'œuvre d'art est nécessairement fondée sur les intentions de l'artiste, et à la thèse expérientielle, selon laquelle l'évaluation d'une image en tant qu'image n'emploie que ce qu'il est possible de voir en la regardant. Il existe des arguments montrant que chacune de ces thèses est essentielle à la description de l'évaluation artistique des images. Pourtant, elles sont en tension car on ne peut pas voir les intentions de l'artiste en regardant une image. Ces deux thèses ne sont conciliables que si on accepte que les propriétés des images peuvent être vues comme le résultat des intentions de l'artiste. En d'autres termes, il faut être en mesure de répondre positivement à la question des propriétés intentionnelles des images. Or, une telle réponse possède une composante empirique qui ne saurait être ignorée. En effet, la question des propriétés intentionnelles des images doit être mise en relation avec différentes branches de la recherche en sciences cognitives traitant de la récupération des intentions d'autrui. L'attitude traditionnelle adoptée par les philosophes de l'art face au versant empirique de cette question consiste à l'éluder, en disant qu'il s'agit là simplement d'un cas où notre perception d'un objet est façonnée par nos connaissances propositionnelles. Ainsi pouvons-nous percevoir les propriétés intentionnelles des images grâce au contrôle exercé par nos connaissances propositionnelles - relatives aux intentions de l'artiste et au contexte de production de l'image, entre autres - sur notre perception. En détaillant les différentes façons dont les connaissances propositionnelles peuvent influencer la perception, on s'aperçoit que cette réponse est très insuffisante. Elle est en tension avec une idée courante en philosophie selon laquelle on peut percevoir les propriétés intentionnelles simultanément aux propriétés représentationnelles ; elle a également des difficultés pour expliquer la détection de certaines qualités, telles que la dextérité du dessinateur, ainsi que pour rendre compte de la reconnaissance de son style et de ses influences. Pour résoudre ces problèmes il est essentiel de définir une voie directe de perception des propriétés intentionnelles, c'est-à-dire qui ne passe pas obligatoirement par les connaissances propositionnelles. Cette seconde voie, la perception motrice, est orchestrée par le savoir-faire moteur de l'observateur. Pour développer l'hypothèse de la perception motrice, il est essentiel de se doter d'une théorie psychologique de l'apprentissage et de la production du dessin. Pour ce faire, la meilleure solution consiste à explorer le versant psychologique de la théorie des schémas graphiques d'Ernst Gombrich en la rapprochant de la théorie du code-commun, selon laquelle la planification de l'action et la perception de certains évènements du monde sont implémentées par les mêmes représentations. Grâce à ce rapprochement, on obtient la théorie visuomotrice des schémas graphiques, selon laquelle le mécanisme fondamental de l'apprentissage du dessin est la récupération directe des plans d'action des autres dessinateurs par observation de leurs dessins. Cette théorie permet de montrer que la perception motrice des images exploite les mêmes structures représentationnelles que celles impliquées dans la planification des actions employant le genre d'outils qui permet de produire des images, afin d'organiser l'information visuelle portée par une image de façon cohérente par rapport à l'action. En d'autres termes, la perception motrice d'une image est contrôlée par une simulation de certains éléments des actions de l'artiste, ce qui permet de percevoir les propriétés de l'image comme des résultats d'actions, c'est-à-dire de percevoir directement ses propriétés intentionnelles. L'accès perceptif aux intentions de l'artiste, et plus spécifiquement du dessinateur, apparaît ainsi comme un thème capable de structurer un dialogue productif entre la philosophie analytique de l'art et les sciences cognitives.

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Citer

Alessandro Pignocchi. Les intentions du dessinateur. Un cas d'étude à l'interface entre la philosophie de l'art et les sciences cognitives.. Philosophie. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), 2008. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-00643455⟩
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