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Communication Dans Un Congrès Année : 2018

Neurophysiologie de la locosynchronisation visuomotrice

Résumé

Chez les primates, l’apparition d’un objet mobile dans le champ visuel déclenche une saccade oculaire d’interception qui amène l’image de la cible sur les deux zones de la rétine (appelées fovéas) à l’origine du champ visuel central. Cette fovéation est maintenue plus ou moins efficacement par des mouvements lents et des saccades de rattrapage. Parfois, la poursuite est précise et lisse, comme si le regard était accroché à la cible en mouvement. Un tel synchronisme local est spectaculaire quand on sait que les signaux visuels évoqués par la cible sont distribués spatialement et temporellement dans le cerveau, et qu’ils sont transmis aux muscles extra-oculaires au travers de plusieurs canaux parallèles connectant de multiples populations de neurones, selon des vitesses de conduction et des délais diversifiés. En raison du retard entre les changements d’activité rétinienne et les changements de tension musculaire, le maintien de l’image de la cible sur les fovéas ne peut pas être piloté par les signaux visuels contemporains puisqu’ils correspondent aux positions passées de la cible. Comment cette coïncidence spatiotemporelle entre la direction du regard et celle de la cible est-elle donc possible ? Quand la trajectoire de la saccade est perturbée expérimentalement, une saccade de correction, produite en ligne ou après un bref délai, ramène la direction du regard à proximité de l’endroit vers lequel des saccades non perturbées l’auraient dirigé au bout du même délai. Cette correction faite en l’absence de signaux visuels suggère un guidage du regard par une commande estimant la position courante (ici-et-maintenant) de la cible. La structure interne de cette représentation motrice est bien évidemment plus complexe que la "localité" (x,y,z,t) fournie par nos instruments de mesure. Quand on considère les multiples relais neuronaux et le "codage" distribué dans l’activité cérébrale, on comprend que cette commande dynamique est la fusion de multiples flux d’activité qui convergent sur les neurones moteurs extra-oculaires. Chaque flux inclut non seulement les flux reliant l’excitation rétinienne aux neurones moteurs (propagation verticale), mais aussi les flux secondaires provoqués par les diffusions locales au niveau des relais intermédiaires (propagation horizontale). Cette cascade d’activation permet que les saccades interceptent des lieux différents selon la position, la vitesse et les changements de vitesse de la cible. Quand la vitesse est constante, la population active dans le colliculus supérieur profond compose un continuum de neurones préférant des positions passées de la cible jusqu’à sa position présente. Aucune activité n’est trouvée témoignant de l’inclusion de commandes liées à quelque position future. L’ajustement de l’amplitude des saccades résulterait alors de la modulation par le cervelet de l’étendue (expansion ou contraction) des flux visuomoteurs. Au début, le mouvement lent des yeux ne parvient pas à maintenir la fovéation au terme de la saccade d’interception. Mais avec la pratique, le retard du regard est progressivement réduit jusqu’à ce que les directions du regard et de la cible bougent en synchronie, alignées. La locosynchronisation consisterait donc à accroitre l’étendue horizontale des flux dans la mesure où ils facilitent la transmission des signaux. Un dysfonctionnement du cervelet médial entraine des défauts non corrélés de précision et de vitesse oculaire, signant une altération du couplage entre les flux visuomoteurs responsables respectivement des composantes saccadiques et lentes de la capture fovéale.
In primates, the appearance of a moving object in the visual field triggers an interceptive saccade that brings the target image onto the two areas of the retina (called foveas) which are at the origin of the central visual field. This foveation is maintained more or less effectively by slow movements and catch-up saccades. Sometimes the pursuit is precise and smooth, as if the gaze were locked on the moving target. Such local synchronism is spectacular when we know that the visual signals evoked by the target are distributed spatially and temporally in the brain, and that they are transmitted to the extraocular muscles through several parallel channels connecting multiple populations of neurons, at various conduction velocities and delays. Due to the lag between changes in retinal activity and changes in muscle tension, maintaining the target image on the foveas cannot be driven by contemporary visual cues since they correspond to target's past positions. How is this spatiotemporal coincidence between the direction of gaze and that of the target possible? When the trajectory of the saccade is experimentally perturbed, a corrective saccade, produced online or after a short delay, brings gaze direction closer to where unperturbed saccades would have directed it after the same delay. This correction made in the absence of visual signals suggests guidance of gaze by a command estimating the current location (here-and-now) of the target. The internal structure of this motor representation is obviously more complex than the "locality" (x,y,z,t) provided by our measuring instruments. When one considers the multiple neural relays and the distributed "coding" in brain activity, one understands that this dynamic drive is the merging of multiple streams of activity that converge on the extraocular motor neurons. Each flow includes not only the flows connecting the retinal excitation to the motor neurons (vertical propagation), but also the secondary flows caused by the local diffusions at the level of each intermediate relays (horizontal propagation). This activation cascade allows the saccades to intercept different locations depending on the target's location, speed, and changes in speed. When the velocity is constant, the active population in the deep superior colliculus is composeb by a continuum of neurons preferring past positions of the target to its present position. No activity is found indicating the inclusion of commands related to any future position. The adjustment of the saccade amplitude would then result from the modulation by the cerebellum of the extent (expansion or contraction) of the visuomotor flows. At first, slow eye movement fails to maintain foveation at the end of the interceptive saccade. But with practice, the gaze lag is gradually reduced until the gaze and target directions move in synchrony, aligned. This "loco-synchronization" would therefore consist in increasing the horizontal extent of flows insofar as they facilitate the transmission of signals. Dysfunction of the medial cerebellum leads to uncorrelated defects in precision and ocular speed, indicating an alteration in the coupling between the visuomotor flows responsible respectively for the saccadic and slow components of foveal capture.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03652221 , version 1 (30-04-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03652221 , version 1

Citer

Laurent Goffart, Clara Bourrelly. Neurophysiologie de la locosynchronisation visuomotrice. Journées Complexité - Désordre (Jean-Claude Lévy), Jan 2018, Paris, France. ⟨hal-03652221⟩
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