L'oscillation des glaciers sur l'archipel des Kerguelen au cours du Tardiglaciaire et de l'Holocène à partir de datations cosmogéniques 36Cl
Résumé
L’archipel des Kerguelen (49°S, 69°E) constitue un observatoire unique pour l’étude des paléoglaciers. Il s’agit, en effet, de la plus grande surface de terres englacées de la zone subantarctique de l’océan Indien (552 km2 en 2001), où de nombreuses formations glacio-géomorphologiques, comme des moraines, peuvent y être datées. Toutefois, nos connaissances des fluctuations glaciaires sur l’archipel pendant le Tardiglaciaire et l’Holocène restent limitées. C’est pourquoi des échantillons issus de ces morphologiesglaciaires ont été collectés au cours de différentes campagnes de terrain, notamment dans 3 vallées glaciaires : celle du glacier Arago, celle du Val Travers et enfin celle du glacier Ampère. Ainsi, les nouveaux âges 36Cl de durée d’exposition au rayonnement cosmique présentés dans cette étude permettent de mieux contraindre la chronologie glaciaire existante au cours des derniers 17 000 ans. Une avancéeglaciaire a pu être mise en évidence durant le Tardiglaciaire il y a ⁓15.8 ka sur le site du Val Travers, probablement liée à l’événement froid de l’Antarctic Cold Reversal. Ces résultats sont cohérents avec ceux précédemment obtenus sur l’archipel (Jomelli et al., 2017, 2018 ; Charton et al., 2020) et plus généralement dans la zone subantarctique (e.g. Sagredo et al., 2018), suggérant que tous les glaciers à cette latitude ont étéglobalement sensibles à ce signal climatique. L’évolution des glaciers à Kerguelen pendant l’Holocène reste encore largement méconnue. De précédentes datations radiocarbone d’éléments tourbeux sur le site du glacier Ampère ont montré que les glaciers étaient certainement moins étendus au début de l’Holocène qu’àla fin de l’Holocène (Frenot et al., 1997). Jusqu’à présent, aucune avancée du début et du milieu de l’Holocène n’a pu être démontrée en l’absence de moraines, or, les glaciers semblent avoir réavancé uniquement lors de la fin de l’Holocène, en particulier au dernier millénaire (Jomelli et al., 2017 ; Charton et al., 2020). La comparaison de ce nouveau jeu de données avec des âges 10Be disponibles provenant d’autres régions subantarctiques a permis d’identifier 3 différents schémas possibles d’évolution des glaciers pendant l’Holocène. On observe en effet en Nouvelle-Zélande et en Patagonie du Nord une avancée maximale des glaciers au début de l’Holocène puis un retrait graduel tout au long de la période. Au contraire, en Patagonie du Sud et en Géorgie du Sud, les glaciers vont connaitre une avancée plus importante au milieu de l’Holocène. Enfin, l’oscillation des glaciers de Kerguelen semble particulièrement originale avec des étendues glaciaires certainement plus petites au début et au milieu de l’Holocène, puis une réavancée maximale datant de la fin de l’Holocène. Nous discuterons enfin des facteurs climatiquespouvant rendre compte de l’évolution des glaciers à Kerguelen (température, précipitations) en évaluant le phasage des périodes d’avancée/recul des glaciers avec (i) les variations des températures atmosphériques enregistrées dans la carotte de glace de Vostok en Antarctique, (ii) la variation des températures superficielles de l’océan autour de l’archipel et (iii) la variation des précipitations (Southern Annular Mode) évaluées à partir d’un enregistrement pollinique de Patagonie.