Le Cabinet de curiosités de François I er de Médicis (1569-1572) ou le théâtre d'un nouveau Monde - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2012

Le Cabinet de curiosités de François I er de Médicis (1569-1572) ou le théâtre d'un nouveau Monde

Résumé

La première définition du qualificatif « bizzarro » proposée en 1612 dans leur dictionnaire par les académiciens de la Crusca limitait son sens à une acception morale, associé à un caractère enclin à la colère (« stizzoso, iracondo »). Onze ans plus tard (1623) la deuxième édition propose d'y adjoindre une seconde selon laquelle le vocable « bizzarro » doit être entendu comme un synonyme de « capriccioso » qualifiant toute forme d'invention étant le fruit de l'intervention artificielle de la main (arts) et de l'esprit (intellect) de l'Homme sur la Nature (« altre invenzioni ») en vue de la transformer. L'exemple proposé en 1623 pour illustrer le sens du terme est d'ailleurs extrait d'un ouvrage de botanique et évoque les manipulations et greffes pratiquées sur des végétaux permettant de « trattar la natura » . Cet ajout académique entérine après un siècle d'expérimentations maniéristes, les caprices d'un art qui ne s'attache plus à imiter et reproduire avec vraisemblance la nature dans une quête néoplatonicienne de son essence divine, mais plutôt, on le sait, à en proposer des perceptions. Le « Studiolo » ou « Stanzino » de François de Médicis, fils héritier du Duc de Florence Cosme Ier, construit de 1569 à 1572, propose au sein du Palais de la Seigneurie et de ses strates chronologiques, un lieu particulièrement métonymique de cette bizarre invention maniériste et, au-delà, une sorte de manifeste iconologique. Tout, en effet, dans cet espace confiné situé au premier étage du Palais florentin, le moment de sa construction, son emplacement et sa structure, vient manifester sa rupture maniériste, tant avec l’histoire chaotique et inquiétante, qu’il relègue au-delà de ses murs aveugles, qu’avec la précédente doctrine renaissante qui subordonnait l’art à la seule quête de la part divine présente dans toute créature de la Nature. Espace de négation et de fuite du réel, il s’avére exemplaire de ce qu'il est convenu d'appeler le second Maniérisme et de l’option, par définition « bizarre », qui consiste à chercher dans l’invention et dans la transformation de la matière/matrice première naturelle, la forme inédite et imaginée d’un monde alternatif singulier (conforme précisément au « trattar la natura » évoqué par l’Académie de la Crusca dans son dictionnaire). C’est à ce lieu, qui cristallise tout à la fois la fin des dynamiques politiques passées et celle des aspirations néoplatoniciennes désenchantées, que nous nous intéressons. Précisons que la pièce de ce « guardaroba di cose rare e preziose » fut démantelée à la mort de François (1541-1587), soit 14 ans après sa création et ses panneaux décoratifs furent alors installés au sein du Palais Pitti, nouvelle résidence des grands ducs de Toscane. Elle fut toutefois reconstituée en 1910 à son emplacement d’origine et est aujourd’hui visible dans le cadre de visites exceptionnelles dites « parcours secrets ».
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Dates et versions

hal-03517841 , version 1 (09-02-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03517841 , version 1

Citer

Véronique Curvin Merieux. Le Cabinet de curiosités de François I er de Médicis (1569-1572) ou le théâtre d'un nouveau Monde. Agnès Morini (dir.). Lieux bizarres, PU Saint-Etienne, p.17-31, 2012. ⟨hal-03517841⟩
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