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Communication Dans Un Congrès Année : 2021

Les cartes en pierre de la Préhistoire : de l'image mentale à la représentation tridimensionnelle de l'espace

Résumé

Un certain nombre de gravures préhistoriques à travers le monde sont interprétées comme des représentations cartographiques (fig. 1). La répétition de motifs et les lignes qui les relient donnent le sentiment d'être confronté à des cartes, bien qu'on peine à en faire la démonstration et que l'échelle de représentation nous échappe le plus souvent. Cela peut s'expliquer par les difficultés de datation de l'art rupestre, notre méconnaissance de l'environnement archéologique ou des déformations liées plus aux nécessités de la représentation (espaces réels, imaginaires) qu'à des aberrations de l'image mentale. Ces gravures préhistoriques peuvent être classées en deux catégories définies par Delano Smith (1987) : les cartes topographiques en plan et les cartes en images, mêlant des éléments du paysage en plan, en élévation ou en profil, mais aussi des signes anthropomorphes ou zoomorphes. Les cartes en images, qui apparaissent sans doute dès le Paléolithique supérieur (Utrilla et al., 2009) constituent plutôt des scènes, dans lesquelles le paysage apparaît comme secondaire par rapport à l’événement figuré. Ces interprétations ont fait l’objet de critiques, doutant de la capacité de l’Homme préhistorique à abstraire et concevoir l’espace en deux dimensions (Meece, 2006). Cependant, nombre de comptes-rendus d’explorateurs et d’ethnographes attestent d’une habileté des sociétés préindustrielles à dresser des cartes de l’espace parcouru, rapporté par d’autres ou fondé par des êtres surnaturels. Ces cartes peuvent être tracées au sol, sur des supports mobiles ou dans la pierre à des fins d’orientation, de gestion du territoire ou d’expressions spirituelles (Lewis, 1998 ; Flood, 2004). L’étude des gravures « cartographiques » a longtemps été tributaire de relevés en plan annihilant la surface tridimensionnelle du support. Or, le réexamen d’un certain nombre de représentations suggère un lien étroit entre les gravures qui mettent à profit voire modifient la topographie de leurs supports, et entre ces derniers et le relief environnant (Maggs, 1998 ; Casti, 2018). Ainsi, on peut se demander s’il n’y avait pas une évidence pour les « cartographes » préhistoriques à créer une immédiateté entre l’espace figuré et les gravures, en choisissant des affleurements idoines par leur emplacement, leur relief, voire même leur nature géologique (Alves, 2003). L’examen d’une dalle gravée de l’âge du Bronze, découverte à Saint-Bélec (Finistère), a permis pour la première fois en Europe de saisir l’échelle de représentation d’une telle carte en pierre (Nicolas et al., 2021). L’étude des gravures au moyen de scans 3D a permis de montrer que la dalle a été piquetée pour partie en bas-relief afin de représenter la haute vallée de l’Odet, tandis que plusieurs lignes ramifiées ou méandriformes paraissent figurer les cours d’eau alentours (fig. 2). Plusieurs analyses statistiques de formes et de réseaux ont été mené afin de quantifier le degré de similarité entre les gravures interprétées et la topographie environnante. Les résultats obtenus, équivalents à ceux de certaines cartes mentales ethnographiques, permettent de valider l’hypothèse que la dalle de Saint-Bélec figure bien une carte (fig. 3), d’en préciser l’échelle (c. 30 × 21 km) mais aussi de mesurer la déviation entre l’image mentale et l’espace représenté. Dans le contexte de l’âge du Bronze ancien armoricain, qui voit l’émergence de sociétés fortement hiérarchisées et divisées en une série de potentats, la dalle de Saint-Bélec est interprétée comme la probable figuration de l’un de ces « royaumes ». Ainsi, il n’est plus à douter que les sociétés préhistoriques avaient la capacité de cartographier leur environnement en deux ou en trois dimensions. Le recours à des acquisitions 3D des gravures, de leur support et de leur environnement immédiat apparaît alors comme indispensable si l’on souhaite mieux saisir l’échelle de représentation de ces cartes en pierre et les motivations qui ont présidé à leur réalisation.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03510235 , version 1 (04-01-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03510235 , version 1

Citer

Clément Nicolas, Yvan Pailler, Pierre Stéphan, Julie Pierson, Laurent Aubry. Les cartes en pierre de la Préhistoire : de l'image mentale à la représentation tridimensionnelle de l'espace. Transcript. Cartes mentales : entre transcription mémorielle et projection symbolique, May 2021, Paris, France. ⟨hal-03510235⟩
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