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Communication Dans Un Congrès Année : 2009

"Les romans de Lowell : des romans géographes ; ou géographie du territoire de l’identité chez Jack Kerouac"

Peggy Pacini

Résumé

The Duluoz Legend est une variation sur le thème de l’Amérique en tant qu’espace, rêve et territoire d’un imaginaire et d’une identité qui se cherchent. Elle est aussi la confrontation d’un fils d’immigrants francos, Jack Kerouac, avec une Amérique kaléidoscopique où tous les éléments semblent être des Américains à traits d’union à la recherche de leur moitié américaine. L’Amérique devient alors cet espace qu’il faut sans cesse découvrir pour se définir — une contradiction : futuriste, toujours tournée vers l’avenir, et, orpheline, toujours à la recherche d’un passé. Si Kerouac est à l’image de cette Amérique, sa vision de l’Amérique est beaucoup plus complexe. Son territoire américain s’apparente à un espace d’errance, représentatif d’une identité qui se cherche et cherche à s’identifier. Sa vision de l’Amérique, mue par ce trait d’union entre son identité franco et son identité américaine et, tout particulièrement, par la recherche de cette identité. Aussi, si, pour beaucoup, Kerouac est cet écrivain-voyageur, auteur du mythique road-book On the Road, son errance résume sa vie et son œuvre, et est, avant tout, une recherche identitaire et territoriale, une exploration au sens presque archéologique du terme : une mise en perspective de la notion de mobilité et d’enracinement. Une réflexion sur l’espace et l’identité, sur l’histoire et la géographie dans l’œuvre de Jack Kerouac montre comment les notions de mobilité et de sédentarité structurent sa vision du monde dans ses romans : une vision qui traduit implicitement le rapport à l’espace que sous-tend son identité au carrefour des identités. Fils d’immigrants canadiens français, Kerouac incarne le paradoxe de cette diaspora, mobile et sédentaire. Cette communication part des travaux de géographes québécois de l’Université de Laval (Dean Louder, Cécyle Trépanier et Eric Waddell) qui établissent un parallèle entre l’histoire de l’errance du Canadien français sur le continent américain (ses flux migratoires) et la formation d’un appareil deltaïque dont le canal est le cours inversé du fleuve Saint-Laurent. Il ne faut cependant pas négliger l’enracinement dans la ville manufacturière (Lowell, Massachusetts), par l’entremise de la paroisse nationale catholique canadienne française, ce qui conduit à discuter ce terme de mobilité qui ne semble pas être complètement approprié à la nature et à l’origine d’une mobilité inscrite très nettement dans le temps, et qui va de paire avec l’éclatement des communautés paroissiales d’avant-guerre et un nouvel ordre mondial imposé par la Seconde Guerre Mondiale. Cette communication s'appuie sur cette dialectique pour montrer comment cette réflexion traverse toute l’œuvre de Kerouac tant dans les romans de la route (comme expression de cette mobilité canadienne française) que dans les romans de Lowell, qui se lisent comme des romans géographes. Dans les récits qui évoquent l’enfance à Lowell, Jacky Duluoz s’inscrit dans un espace qu’il parcourt de long en large et qui finit par le définir. Dans les romans de la route, le voyage coïncide avec l’écroulement d’un espace référentiel connu et cartographié et avec une situation de rupture qui peut s’analyser dans le contexte de la diaspora canadienne française, mais aussi et surtout dans un contexte plus large : celui du continent Nord-Américain, un continent aux frontières flottantes propices à l’écriture d’un imaginaire et à « une songerie sur l’origine ». Dans cette perspective, la dialectique de l’enracinement (roots) et de l’errance (routes) est une valorisation de l’espace (quel qu’il soit) dans sa relation avec l’imaginaire qui s’inscrit dans un imaginaire transcontinental : l’écriture de la genèse de l’Amérique et la réécriture du mythe américain. Cette poétique de l’espace est la trace d’une tentative d’appropriation du territoire, une prise de possession mutuelle dont la fiction américaine porte la trace. Cette communication se concentre sur les romans de Lowell, moins connus du grand public, car dans cette écriture du mythe américain chez Kerouac, Lowell fait office de lieu clos par opposition aux romans de la route qui parcourent le continent et traversent l’espace mythique. Lowell est le lieu de la rêverie pastorale ou plutôt de la rêverie pa(rois)s(e)-torale, puisque l’enclos aux strates anciennes est ici celui de la paroisse franco-américaine nichée dans la géographie de cette ville industrielle de la Nouvelle-Angleterre. On montera d’abord comment l’auteur pense cet espace, comment il le représente, ce qui permettra d’envisager le rapport temps/espace/mémoire et d’introduire la fuite vers l’espace infini par le biais d’une rêverie paroissiale insérée subtilement dans une rêverie continentale. Lowell (Massachusetts), est le lieu de naissance de l’auteur, mais aussi le berceau de l’industrialisation américaine et territoire d’ancrage des trois premiers volumes des romans de Lowell (Visions of Gerard, Doctor Sax et Maggie Cassidy), d’une partie de Vanity, des nouvelles de jeunesse publiées dans Atop an Underwood et de deux nouvelles publiées dans Good Blonde & Others, “Home at Christmas” et “Not Long Ago Joy Abounded at Christmas”. C'est à cet espace géographique que s'intéresse cette communication pour comprendre comment ce lieu est écrit, décrit, voire inventé, déformé ou recréé. Cette réflexion sur la géographie de Lowell et les rapports mutuels et multiples qu’elle tisse avec Kerouac n’est qu’un préambule à la description d’un espace que l’auteur se réapproprie pour en faire à la fois un lieu de sédentarisme et d’errance. Bien que très présent, l’espace géographique réel se substitue très vite à un espace personnel imaginaire où le narrateur guide son lecteur dans le labyrinthe de son microcosme originel. Or, Lowell est avant tout une réalité urbaine dont le passé industriel est intimement lié à la géographie et à la géologie du territoire et en imprègne sa cartographie. Aussi la vision de Lowell que propose Kerouac est-elle profondément marquée par la Merrimack et par la géographie qu’elle a engendrée, celle de la ville manufacturière. L’écriture de l’espace de Lowell porte donc l’empreinte de cette configuration géographique et architecturale particulière. Cependant, l’espace de Lowell est aussi une forme de retour, l’expression d’une nostalgie, la réappropriation mémorielle d’un espace et d’un univers évanouis, ce qui implique une recréation de cet espace. Si Kerouac n’a jamais recours à la carte comme support de sa description, l’espace représenté par Lowell est extrêmement concret et l’univers décrit réaliste. Lowell est investie d’une géographie et d’une identité palpable. L'’intimité du narrateur et de la ville est rendue par ce parcours incessant de l’espace urbain qui offre ainsi au lecteur une carte mentale des lieux centraux des romans et des artères qui les unissent les uns aux autres. Kerouac réinvestit donc l’espace de sa ville natale de deux façons : le souvenir du lieu et la déambulation urbaine.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03453781 , version 1 (28-11-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03453781 , version 1

Citer

Peggy Pacini. "Les romans de Lowell : des romans géographes ; ou géographie du territoire de l’identité chez Jack Kerouac". Colloque La Géographie dans le monde anglophone, Olivier Brossard; Marie-Françoise Alamichel; Université Paris-Est Marne-La-Vallée; ANGLES -- IMAGER (EA 3958), Jun 2009, Champs-sur-Marne, France. ⟨hal-03453781⟩

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