Un ‘absolu poétique’ ? Poésie, poétique et autonomie du langage des premiers romantiques aux dadaïstes vieillissants
Résumé
Cet exposé propose d’étudier la filiation entre premiers romantiques et dadaïstes tardifs du point de vue de l’intégration de la réflexion poétologique à la poésie elle-même. La notion d’« absolu littéraire » (Lacoue-Labarthe / Nancy, 1978), ou, en d’autres termes, d’absolu poétique (si l’on entend la poésie dans son sens large de Dichtung) recouvre ici deux aspects principaux : d’une part, une poésie absolue car contenant sa propre réflexion, sa propre poétique, et d’autre part, une poésie absolue car autonome par rapport à la réalité extra-linguistique – un principe fondateur de la modernité littéraire –, n’ayant pas besoin de référent extérieur pour fonctionner.
Nous partons d’un certain nombre de textes du romantisme d’Iéna (essentiellement des fragments de l’Athenäum de Friedrich Schlegel et des fragments de Novalis) pour analyser comment la poétique qui y est formulée – et la conception non classique de l’œuvre qui en découle – se retrouve, quelque deux siècles plus tard, au fondement de l’expérimentation dada, plus particulièrement dans sa phase tardive, c’est-à-dire après 1945, lorsque la référence à une certaine tradition – en l’occurrence le double héritage romantique allemand et symboliste français – est devenue moins taboue qu’en 1916-1918, où la rupture avec le passé devait être totale.
En nous appuyant sur des textes de Jean Hans Arp, Raoul Hausmann, Richard Huelsenbeck et Tristan Tzara, nous examinons comment la réappropriation des principes de la modernité à l’œuvre dans les productions tardives de l’avant-garde dada va de pair avec le caractère réflexif de leur poésie, dont nous étudierons quelques manifestations (auto-commentaire, écriture théorique ou théorisante, pratique éditoriale et anthologique, ironisation et mise en scène de l’œuvre).