"Assécher Perec": poétiques du quotidien chez Anne-James Chaton
Résumé
“Draining Perec”. The phrase is appropriate to describe, even partially, Anne-James Chaton’s relation to everyday life, which the poet initiated in the 1990s. Just like Perec’s, Chaton’s work is inspired and fashioned by the everyday life of contemporary society, defined by Blanchot as something “unnoticed”, “eventless”, and “insignificant”. However, in Chaton’s poems, the way to capture the nature of such material relies on a more conceptual approach based on multimedial writing protocols and devices. Everyday life can indeed be exclusively apprehended through the written pieces it produces. In Chaton’s poems, everyday life is not reduced to a mere immaterial memory but it is rather to be perceived as a physical mark, an impression left on the world. In Chaton’s recent work, everyday life can be apprehended through publishing temporality: the act of posting crude, unrefined texts on social networks questions the sampling, transmedial and editing process in ploughing back written pieces generated by everyday life into the flow of daily routine, redesigned, in part, by digital media.
« Assécher Perec » : la formule décrit bien, au moins partiellement, le rapport que l’écriture d’Anne-James Chaton, entamée dans les années 1990, entretient avec le quotidien. À l’instar de l’œuvre de Perec, celle de Chaton travaille à partir du quotidien et est travaillée par le quotidien, conçu comme ce qui relève de l’« inaperçu », du « sans événement » et de l’« insignifiant », selon la définition qu’en propose Blanchot. Cependant chez le poète, la nature, l’appréhension et le traitement des matériaux relèvent d’une approche plus conceptuelle, fondée non seulement sur des protocoles d’écriture mais aussi sur des dispositifs plurimédiaux. C’est que le quotidien s’y appréhende exclusivement à travers les écritures qu’il génère : il est, chez Chaton, de l’ordre de la trace matérielle, et non seulement mémorielle, c’est-à-dire de l’ordre de l’inscription. Enfin, le quotidien s’appréhende dans le travail récent d’Anne-James Chaton comme temporalité éditoriale : la publication de matériaux bruts sur les réseaux sociaux interroge à nouveaux frais le geste de prélèvement, de transmédiation, et d’édition en réinjectant les écritures générées par le quotidien dans un flux journalier, lui-même caractéristique d’un quotidien en partie redessiné par le numérique.