"De L’Emprise à Outer Space : le devenir-monstre du film"
Résumé
Qu’est-ce qu’un monstre s’il ne peut se montrer ? À quelles formes concrètes peut aboutir la rencontre du monstrueux et de l’invisible ? En d’autres termes, un monstre invisible est-il seulement encore un monstre ? Poser ces questions au cinéma pourrait revenir à imaginer un film de monstre où il n’y aurait pas de monstre, mais seulement des signes du monstre, c’est-à-dire un film dans lequel ces mêmes signes seraient privés de leur "référent" diégétique ; ou, plus exactement, un film dans lequel il y aurait bien un monstre, mais dont la représentation serait impossible, dont l’actualisation à l’écran se trouverait comme fondamentalement empêchée par ses propres signes. Une telle hypothèse implique d’envisager une sémiotique du monstrueux susceptible de mettre précisément en conflit le signe et le monstre. Il ne peut donc s’agir d’explorer les cas nombreux où le monstre reste tapi dans le hors-champ, son apparition dans le champ ne relevant en l’occurrence que d’une possibilité différée (quand bien même elle ne serait jamais actualisée), mais bien de mettre en lumière le cas beaucoup plus singulier d’un monstre dont la présence invisible s’imposerait littéralement dans le plan, sans hésitation ni ambiguïté, de sorte que le film déploierait des signes n’aboutissant pas à une image du monstre, mais à une image-monstre se suffisant à elle-même.