Fécondités du monstre. L’« accident » et la naissance du héros rabelaisien
Résumé
Au commencement étaient les monstres. Au moment de composer la généalogie du géant Pantagruel, dans le premier chapitre de son premier livre, Rabelais procède en forgeant une fiction qui accumule ce qu’il appelle des « accidens bien divers ». En particulier, s’y exposent différentes excroissances malencontreuses, enflures imprévisibles et semble-t-il aléatoires survenues sur des corps humains à la suite de l’ingestion de grosses mesles, elles-mêmes fruits monstrueux d’une série de péripéties météorologiques. D’un accident à un autre, c’est par le biais du trouble, tant climatique que pathologique, que se construit la perfection d’un géant exemplaire. La formule « accidens bien divers » nous semble mériter d’être réévaluée à l’aune de la problématique du monstrueux, voire des collections de mirabilia propres à la Renaissance. Nous montrerons qu’elle délivre dès le chapitre I de Pantagruel une véritable recette de l’inédit narratif articulée à la question du corps prodigieux.