La négociation collective "sans peine". La loi El Khomri et l’avenir de la démocratie d’entreprise en Europe
Résumé
La négociation collective "sans peine" La loi El Khomri et l'avenir de la démocratie d'entreprise en Europe 1-Introduction Le titre de cette communication, « La négociation collective "sans peine" », fait référence aux éditions ASSIMIL qui nous promettent d'apprendre à communiquer dans différentes langues grâce à une méthode simple et efficace. C'est l'impression que m'a laissée la lecture de cette loi relative « à la modernisation du dialogue social », et se donnant pour but de « Favoriser une culture du dialogue et de la négociation ». Le gouvernement Hollande-Valls n'est pas le premier à présenter ce type d'objectif, la loi Travail s'inscrivant dans une longue lignée de réformes-20 réformes en 35 ans, dont cinq sous la présidence de François Hollande 1. Un trait prédominant de ces réformes successives est le thème du dialogue social et de la démocratie 2. Finalement, la place des travailleurs dans le choix des orientations et des stratégies de leur entreprise sont des enjeux centraux dans la plupart des réformes du code du travail. Mais cette centralité ne nous dit pas comment la démocratie est définie par les législateurs. C'est pour cette raison que je voulais examiner la trajectoire prise par les réformes du droit du travail depuis les lois Auroux de 1982. Les réformes Auroux, malgré leur modestie (Tracol 2009 : 114), se voulaient subversives face à un patronat majoritairement conservateur (Waquet 2008 : 86) et ces lois vont me servir de « borne chronologique » (Tracol 2009 : 19) pour apporter un autre éclairage sur la loi Travail. Par ailleurs, les lois Auroux et la loi Travail sont reliées, d'une part, parce qu'elles ont été mises en place et adoptées sous des gouvernements socialistes et, d'autre part, parce qu'elles partagent l'idée de réécrire entièrement le droit du travail en se concentrant particulièrement sur la place de l'État dans les négociations collectives (Le Goff 1989 : 292). Cependant, la loi Travail, à la différence des lois Auroux, s'inscrit dans un paysage d'harmonisation du droit du travail en Europe, et des lois similaires ont été adoptées, par exemple au Portugal ou en Espagne, et vont peut-être être adoptées en Belgique. La loi Travail est donc une occasion pour nous de réfléchir à l'avenir de la démocratie d'entreprise en Europe. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser, d'une part, que je vais parler de « travail », même si c'est « d'emploi » dont il s'agit, afin de conserver, pour simplifier, le lexique employé dans les lois Auroux et El Khomri. Il est évident que les réformes en cause touchent la forme dominante de la production de valeur économique, c'est-à-dire l'emploi tel qu'il est basé sur la subordination à un employeur et au marché du travail (Friot 2012). D'autre part, il ne s'agit pas ici de défendre le code du travail dans ses versions antérieures, mais de comprendre la trajectoire prise par les législateurs depuis une trentaine d'années au sujet de la démocratie d'entreprise. Nous allons voir, dans un premier temps, que les lois Auroux correspondent à un moment charnière dans l'histoire du code du travail. Deuxièmement, nous verrons que la loi Travail va, majoritairement, dans le sens de l'allègement des contraintes pesant sur les employeurs. Enfin, nous verrons comment la démocratie d'entreprise est fragilisée par la loi Travail.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)