Dictée à l’adulte chez l’enseignant-e en formation, des connaissances déclarées aux premières pratiques effectives
Résumé
L’activité de la dictée à l’adulte est présente dans le champ didactique depuis les années 70. “Outil” issu du terrain pour Clesse (1978), “technique scolaire” pour Chartier et al. (1998), elle devient un sujet d’étude et de recherche avec les travaux de Lentin. Plus récemment, elle fait l’objet d’approches spécifiques relevant des champs variés : linguistique (Javerzat 2004, Canut et Guillou 2017), didactique (Brigaudiot 2015, Morgenstern 2011)…
La dictée à l’adulte intègre les instructions officielles à partir de 1986 et demeure une “activité” présente à chaque réécriture des programmes de la maternelle (1995, 2002, 2008, 2015). Elle est pour l’Institution « l’activité la plus propre à mettre en évidence le passage de l’oral à l’écrit » (documents d’accompagnement des programmes de cycle 1 de 2015).
La dictée à l’adulte est donc aujourd’hui une activité solidement ancrée dans le paysage de la recherche en didactique du français et reconnue comme incontournable pour l’institution. Pour autant, du point de vue de la pratique effective en classe et de la circulation du modèle, la question se pose de la manière dont les enseignant-es en formation puis débutant dans leur classe s’en saisissent.
Nous examinons la question dans le contexte de la formation dispensée à l’INSPE de Poitiers : quels sont les savoirs mobilisés et déclarés par des enseignant-es en formation concernant la dictée à l’adulte (étudiant-es M1 et M2 non admis MEEF PE, stagiaires M2, enseignant-es T1-T2) ? Quels écarts observe-t-on entre les connaissances déclarées (copies d’évaluation, mémoires, questionnaire) et les pratiques effectives (ce qu’ils en font quand ils sont en situation de mener ce type d’activité en classe) ?
Cette communication s’appuie sur un corpus composé de données de différentes natures :
• 120 copies d’étudiant-es produites en situation d’évaluation de Master 1 MEEF, portant sur une analyse critique d’une transcription de séance de dictée à l’adulte d’une classe de Grande section (corpus de Javerzat 2004),
• les résultats d’une enquête déclarative auprès d’étudiants en Master 2 MEEF sur leurs connaissances de cette activité scolaire
• les transcriptions de séances de dictées à l’adulte variées (étudiant-es en M2 MEEF, enseignant-es débutant-es).
Ainsi, nous cherchons à mettre au jour le décalage entre l’état des connaissances des étudiants de Master sur la dictée à l’adulte (leurs écrits de formation : copies et questionnaires déclaratifs) et ce qui est observé en situation de classe (transcriptions d’enregistrements de séances de dictée à l’adulte de stagiaires et enseignant-es confirmé-es). Cette analyse se structure autour de deux axes : la prise de conscience des enjeux d’apprentissages tels que définis par Lentin, Canut et Thévenaz-Christen (spécificités de l’écrit, négociation discursive, variables orales-écrites) et l’agir enseignant comme le définissent Bucheton et Soulé (gestes professionnels).
Une première analyse du corpus montre que ce que les étudiant-es mettent en avant comme objectif de la dictée à l’adulte peut être organisé en trois domaines : l’aspect communicationnel (“oser s’exprimer”), les spécificités intraphrastiques (“richesse lexicale”, “syntaxe de la négation”) et l’organisation spatiale de l’écrit (“les blancs graphiques”, la disposition du texte…). L’exploration des transcriptions de séances montre que c’est sur ces mêmes domaines que se concentrent les enseignant-es débutant-es dans les dictées à l’adulte mises en oeuvre (centration des objectifs d’apprentissage sur la syntaxe et le lexique notamment).
Cette communication nous permet donc de questionner la circulation du modèle didactique de la dictée à l’adulte en confrontant ce qui reste des objectifs et des enjeux de l’activité tels que définis par les didacticiens et abordés dans la formation initiale, à la pratique effective débutante dans une classe. Elle nous amène à réfléchir aux contenus de formation et à leur progression au sein des formations initiale et continue.