La laïcité et les préjugés envers les minorités maghrébines
Résumé
La nouvelle laïcité est définie par la croyance que la religion doit être une
affaire totalement privée et s’éloigne de la définition historique prônant la
liberté de conscience et la garantie du libre exercice des cultes pour tous
(Baubérot, 2012). Des travaux corrélationnels récents ont montré que cette
nouvelle conception était positivement reliée aux préjugés envers les
minorités ethniques et religieuses et qu’elle devenait une norme culturelle de
plus en plus importante en France (Kamiejski et al. , 2012). Nos travaux
proposent d’examiner ce lien de façon expérimentale afin de vérifier dans
quelle mesure le climat social actuel peut légitimer l’exercice de pression
normative à l’encontre des personnes d’origine maghrébine. Dans cette
perspective, quatre études ont été menées en France auprès de plus de 600
participants ayant des préjugés plus ou moins élevés envers les personnes
d’origine maghrébine. Les participants devaient évaluer et rapporter leur
intention d’exercer de la pression normative sur une cible d’origine
maghrébine adoptant ou non une attitude allant à l’encontre de la nouvelle
laïcité (Etudes 1, 2, 3) et sur une cible d’origine musulmane ou catholique
adoptant une attitude allant à l’encontre de la laïcité (Etude 4). Les résultats
des trois premières études montrent que les personnes ayant de forts préjugés
évaluent plus négativement et exercent plus de pression normative à
l’encontre de la cible contre-normative que de la cible normative. Par
ailleurs, les résultats de l’étude 4 montrent que les personnes à forts préjugés
évaluent plus négativement et exercent plus de pression à l’encontre d’une
cible musulmane qu’à l’encontre d’une cible catholique. Ces premiers
résultats soutiennent l’idée que la laïcité est susceptible d’être mobilisée afin
de légitimer des attitudes préjudiciables envers les personnes d’origine
maghrébine par les personnes ayant initialement de forts préjugés.