Le cirque, entre marginalité et culture de masse au XIXe siècle
Résumé
Parmi les formes marginales qui divertissent le public durant les XVIIIème et XIXème
siècles, il y a celle du cirque, qui apparaît à cette période. A la naissance de cette forme de
spectacle, que l’on date à 1768 avec la première représentation de Philip Astley à Londres, le
cirque est un art d’extérieur, et Astley est le premier à faire payer ses représentations en
instituant l’espace de la piste. Ainsi, même s’il né dans un espace de spectacles marginalisé –
les foires –, le cirque tente dès ses débuts d’entrer dans un modèle culturel. D’ailleurs, les
spectacles d’Astley sont des représentations de voltige et de dressage équestre (une culture
et un savoir-faire bourgeois) qu’il les édulcore grâce aux exploits forains (jonglage, danse sur
corde etc.). Cependant, en faisant du cirque un espace de représentation payant, Astley et
ses concurrents doivent faire face aux impératifs dus aux privilèges des théâtres. La parole
étant interdite sur la piste, Astley se retrouve plusieurs fois en prison pour non-respect de
cette consigne. Ces passages devant la justice permettront d’obtenir gain de cause, et de se
voir accorder le droit à la parole, à travers la reconnaissance du cirque comme un « théâtre
équestre ». La mise en place d’un lieu et la popularisation du cirque malgré sa position
marginale ont donc de fortes répercussions sur l’économie de cet art : on passe à une
reconnaissance de la forme et à une économie du divertissement de masse. Le cirque oscille
entre une contre-culture, qui inspire les avant-gardes du théâtre, et un art de masse qui se
construit des lieux dignes des temples de théâtre. Des montreurs de foire et des alchimistes
dans leurs baraques, on est passé aux acrobates et aux magiciens dans les cabarets et les
cirques-théâtres en dur. Si les side shows, les attractions, sont toujours très présents pour
montrer les bizarreries et les raretés, la monstration de la marginalité s’est déplacée avec le
convoi de caravanes américaines, et non dans les cirques en dur qui naissent partout en
Europe. Aux Etats-Unis, les convois de cirque développent une nouvelle économie, celle du
nomadisme sous chapiteau. Or même si le système médiatique du cirque crée une
starification des artistes qui se joue sur la bienséance de leur vie et sur leurs qualités
athlétiques, le nomadisme reste l’apanage du marginal. C’est une image qui contribuera à
rendre les caravanes de cirque des lieux peu fréquentables à mesure que le cirque perdra de
sa superbe. La marginalité des monstruosités montrées dans les side shows finit par
contaminer toute la caravane, comme on peut le voir dans le film Freaks de Tod Browning
(1932). Le cirque reste donc pendant toute cette période le spectacle de la marginalité
attirante, quelle que soit sa reconnaissance dans l’industrie du spectacle. Cette
communication aura pour but de déployer l’oscillement du cirque entre marginalité et
culture de masse tout au long de la période, dans ses formes européenne et américaine.
Cependant, la richesse du sujet peut aussi se prêter à devenir une thématique de séances
pour approfondir les perspectives sociales, institutionnelles ou artistiques de la marginalité
du cirque au XIXème siècle.
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Léa de Truchis. Le cirque entre culture de masse et marginalité au 19ème siècle. 12 dec 2020.pdf (714.74 Ko)
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