La naissance du positivisme fictionaliste
Résumé
De 1867 à 1880, deux chimistes-philosophes développent, au sein du premier périodique positiviste français La Philosophie Positive, une forme originale de positivisme que je qualifie de positivisme fictionaliste. L’élaboration de cette forme de positivisme constitue un moment philosophique rarement mis en avant par les études historiographiques classiques et contemporaines consacrées à l’histoire de la philosophie française des
sciences au tournant du XXe siècle. La présente étude a pour objectif de présenter et d’examiner certains présupposés épistémologiques originaux de ce positivisme qui consacrent la nouveauté de cette position par rapport aux épistémologies antérieures ou ambiantes de l’époque. Cet examen permettra de mettre en relief la parenté de cette position avec le fictionalisme de Vaihinger. Dans un premier temps, je m’intéresse aux contextes historiques et aux raisons philosophiques qui ont conduit les chimistes-philosophes Alfred Naquet et Grégoire Wyrouboff à mettre en place, à partir de la diffusion de l’actualité scientifique liées aux sciences physiques et chimiques, un code d’honneur fictionaliste au sein duquel les hypothèses portant sur des entités inobservables sont qualifiées d’artifices logiques ou de fictions. Je présente ensuite les avantages théoriques et empiriques à travers lesquels les deux chimistes justifient et légitiment, d’un point de vue philosophique,l’élaboration et l’usage de ces hypothèses dans la recherche scientifique. Enfin, je montre en quoi ce positivisme fictionaliste amène à réévaluer et compléter certaines images, produites jusqu’à présent, du contexte de la philosophie française des sciences au tournant du XXe siècle.