Les dés sont jetés ! Le jeu de dés, ses enjeux et son double langage à Kharnak, une communauté de pasteurs nomades du Ladakh
Résumé
En écho aux écrits publiés sur le jeu et les jeux par Philippe Sagant, cet article propose de mettre en lumière le lancer de dés et son double langage, tel qu’il est pratiqué chez les pasteurs nomades du Ladakh, aux confins du plateau tibétain. Lancer les dés, un geste qui s’accompagne toujours de phrases équivoques, susurrés ou criés à pleine voix, n’est pas seulement sur ces hautes terres une méthode de divination, un divertissement ou un jeu d’argent, mais c’est également le moyen par lequel sont prises toutes les décisions relatives à la bonne marche de la communauté : élection du chef et de ses adjoints, répartition des pâturages, choix des hommes envoyés chercher les animaux égarés, etc. Activité ouverte à tous les hommes quels qu’en soient le statut et l’âge, jouer aux dés est en revanche interdit aux femmes, lesquelles ont en retour l’exclusivité d’en reproduire le dessin sur les tapis de laine et les couvertures qu’elles tissent, une illustration du proverbe « homme du dehors, femme du dedans » qui régit la société.