, Si elles sont généralement appréciées lorsqu'elles ont été proposées aux familles, elles ne sont finalement pas tant citées dans les entretiens. Il se dégage ainsi dans l'ensemble plutôt un manque de réflexion sur les traces laissées par les enfants dans les services, ce que peuvent déplorer certains parents, même s'ils reconnaissent qu'il, Les lignes précédentes évoquent la dernière notion que nous traiterons ici, celle des traces, liées au souvenir et à la mémoire

, Par exemple, pour Anna et Henry, la chambre n'a absolument pas « bougé » pendant près d'un an. Comme si cet espace représentait symboliquement l'état du mort, il leur a été nécessaire d'attendre plusieurs mois avant d'envisager de déplacer des objets et de repenser cette pièce. Forcé de déménager, Cyril explique combien cela a été dur de vider la chambre de son fils un mois après et l'inscrit dans son histoire personnelle comme le premier changement (et le plus dur), qui en a appelé d'autres par la suite. Nous l'avions évoqué plus haut concernant le domicile, la chambre de l'enfant peut également être beaucoup trop associée à la vie de l'enfant pour que les parents la garde trop longtemps en l'état. C'est le cas d'Angèle et Oscar qui ont très vite débarrassé la chambre mais qui ont néanmoins décidé d'installer la leur dans celle de leur enfant, Les secondes concernent l'espace de la chambre de l'enfant. Nous n'avons pu recueillir suffisamment d'éléments pour étayer vraiment cette question, mais il est certain que l'usage de cet espace (avant, pendant et après) devrait être étudié comme un élément essentiel pour comprendre ce qui se joue pour les enfants et les parents dans de telles situations

, Anabel se définit elle-même comme « Mme Photo », Cyril a des photos de son fils partout « pour qu'on ne l'oublie pas » et « le porte » symboliquement toujours dans sa poche, Anna a une gourmette autour de son cou, Sophie est devenu une adepte du « scrapbooking » et Monique conserve précieusement un album photos. Comme pour les autres parents, la photo leur permet de conserver une image de l'enfant qui malheureusement tend à s'effacer de leur mémoire, et c'est là sa fonction principale 34 . La photo permet ainsi de rendre présent l'absent 35 et, en usant de ce paradoxe, les parents peuvent continuer à vivre sans l'enfant tout en l'inscrivant dans leurs souvenirs et la mémoire familiale. C'est donc une lutte contre l'oubli et un moyen de signifier également aux autres que l'on est en deuil. Elles sont visibles chez soi, Le troisième type de traces répertoriées correspond aux photos de l'enfant

C. , ailleurs l'un de ces premiers usages dans les familles lorsque la photographie est apparue à la fin du XIXe siècle, voir notamment Faeta F., La mort en images, Revue Terrains, n °20, mars 1993. Martin Julier-Costes a également participé en 2011 à un travail de photo-journalisme sur les photos sur les tombes dans les cimetières de la région parisienne

M. Julier-costes, La mort d'un proche. Paroles et corps face à l'absence, Codes, corps et rituels dans la culture jeune, pp.63-70, 2012.

, espace qu'il serait intéressant d'étudier tant il y a de forums, de sites dédiés et de vidéos

, où se rend la majeure partie des parents), il reste les dernières traces répertoriées dans les entretiens, celles que les parents inscrivent sur leur corps. Suzanne est la seule à le nommer aussi directement, mais elle évoque ses « vergetures » comme des traces inscrites par l'enfant sur son corps. Dans une démarche qui cette fois vient d'eux, nombreux sont les parents à s'être fait tatouer, par exemple le nom de sa fille en tibétain pour le mari de Suzanne ou tout autre signe significatif aux yeux des parents (Vicky, Monique et son mari, Sophie)

C. Notamment-ce-qu'exprime, D. Le-breton-dans-son-ouvrage, L. Peau, and T. La, Une étude plus approfondie sur les traces permettrait certainement d'affiner ces premières interprétations sur les trajectoires de deuil des parents. CONCLUSION Nous ne reviendrons pas ici sur les éléments déjà développés plus haut afin de prolonger l'analyse du discours des parents. La plupart d'entre eux a souligné le professionnalisme des équipes soignantes et leur dévouement envers l'enfant et son entourage. Conjointement, leurs témoignages mettent en lumière des éléments de compréhension du vécu de l'accompagnement par les familles sur lesquels nous souhaitons nous attarder. C'est l'objet des trois premières sous parties qui sont à considérer comme des analyses critiques et constructives dont l'objectif est d'améliorer l'accompagnement des enfants en fin de vie, 2003.

, La mort n'est jamais familière 37

. Le-titre-est-inspiré-d'un-article-de-j-h, Déchaux qui renvoie à l'impossibilité de rendre familière la mort et finalement de la « maitriser ». Or, c'est bien de cela dont il s'agit dans cette étude, c'est-à-dire la dimension tragique de toutes tentatives de « faire avec

, Avec la présente étude, nous nous inscrivons dans son sillage, mais nous souhaitons également nous en démarquer sur un point essentiel. Dans la rédaction du rapport de l'étude, il était noté que : « les propos tenus par l'ensemble des interlocuteurs rencontrés -quelle que soit la place à partir de laquelle ils s'exprimaient -mettaient tous en évidence les souffrances vécues par l'ensemble des personnes concernées par la mort d'un enfant (?) l'événement lui-même est empreint d'une telle dimension de souffrance qu'il ne saurait être question de prétendre la supprimer totalement. Il s'agit plutôt de faire en sorte que tout soit mis en oeuvre pour l'atténuer le plus possible, grâce aux témoignages des parents et des familles qui ont eu à traverser cette épreuve, Quelle que soit la position vis-à-vis du défunt, il s'agit d'essayer de garder la main (ou avoir le sentiment de maîtriser) face à un événement qui par définition nous échappe et nous violente à chaque fois qu'il survient dans nos vies, vol.38

J. Déchaux and . La-mort-n'est-jamais-familière, Propositions pour dépasser le paradigme du déni social, Des vivants et des morts. Des constructions de la bonne mort, 2004.

, Autour de l'enfant en fin de vie, Expériences et réflexions dans le Nord-Pas-de-Calais, 2004.

, Préconisations / Pistes d'amélioration

, Un premier travail serait de repenser la question de l'accueil des familles dans les différents services dont le fonctionnement est une évidence pour les soignants mais souvent une énigme pour les parents, Penser et construire l'accompagnement avec la famille et l'enfant a

, Il est nécessaire de poursuivre les efforts afin de personnaliser l'accompagnement, c'est-à-dire tendre au maximum à respecter le rythme de l'enfant et des familles sans faire trop peser sur eux les contraintes organisationnelles propres aux soignants

, Pour tenter de répondre au sentiment d'impuissance ressentie face à la maladie, proposer aux parents d'effectuer des actes, même minimes, envers son enfant leur permet de se sentir reconnus et de tenir. Dans une situation où leur identité de parent est constamment mise à l'épreuve, l'enjeu pour les parents est d'« avoir la main », c'est-à-dire de ne pas se sentir dépossédé (par les soignants) de leur place aux côtés de l'enfant. L'enjeu est de les accompagner sans les priver de leur rôle de parents, notamment en leur donnant (pour ceux qui le souhaitent) des responsabilités

L. , En ce sens, il serait intéressant de penser des façons de témoigner de sa sollicitude envers la famille (par un courrier personnalisé, la présence aux obsèques, la proposition d'un rendez-vous

, Outre ces recommandations essentielles, il est flagrant de constater dans les entretiens que l'annonce n'est pas considérée comme un temps isolé et impliquant seulement le(s) parent(s) et le médecin. En effet, l'annonce doit être interprétée comme : a. un processus d'interactions, du premier contact avec l'équipe soignante jusqu'aux derniers, b. appréhendée et véhiculée inévitablement par d'autres personnes que le médecin, qui joueront un rôle tout aussi prépondérant dans l'accompagnement de la maladie de l'enfant. L'annonce est donc à définir au pluriel et dans le temps. c. Son contenu est souvent équivoque pour les familles qui ne partagent pas les mêmes représentations de la pathologie, Cette étude confirme la nécessité de travailler avec les différents services une annonce en privilégiant un espace à part et la présence des deux conjoints

, Une attention particulière doit être apportée aux enfants dont la maladie dure longtemps, les familles s'épuisant à faire le relais et la transmission entre tous les professionnels consultés

, À domicile, favoriser la constitution d'équipes qui connaissent la famille et l'enfant afin de faciliter l'accompagnement

, implication du médecin généraliste, au titre de personne ressource et comme personne relai. Ainsi, dès la prise en charge par les services référents, le médecin généraliste est à considérer comme acteur à part entière. d. Privilégier les liens avec les assistantes de service social (de l'hôpital et/ou du secteur), dès la première prise en charge de l'enfant et ce jusqu'au décès et ensuite, Leurs compétences professionnelles sont des atouts pour faire le lien entre les soignants et les familles et pour les questions administratives et financières, souvent éprouvantes pour les familles

, La coordination implique pour les équipes soignantes des relations plus poussées avec le personnel de la chambre mortuaire du CHRU et les pompes funèbres afin d'assurer une continuité dans l'accompagnement

, La création d'un livret (ou carnet de liaison amélioré) pour les familles et les médecins (référent et généraliste), voire aussi le personnel de la chambre mortuaire et les agents funéraires

, La formation des soignants : encourager la réflexivité

, Les parents témoignent de leurs attentes, mais elles dépassent les compétences techniques des professionnels puisque ces derniers sont surtout appréciés pour leurs aptitudes à accueillir et à accompagner toute la violence induite par la mort d'un enfant (voir notamment partie II : Accompagner l'inacceptable). Pourtant, les soignants ne sont pas suffisamment formés ni même accompagnés/soutenus dans cette dimension essentielle de leur travail. Conjointement à une généralisation de l'analyse de la pratique, et sans penser que la formation est la solution miracle, il serait nécessaire de concevoir (en formation initiale et continue) un programme de formation portant l'accent sur : a. Comment recevoir et à accompagner ensuite la violence induite par la mort d'un enfant ? b. Comment, au domicile, adapter son positionnement de soignants à un univers de « non-soignant », c'est-à-dire la sphère privée, intime d'une famille. c. Leurs propres ambivalences face à la mort et les familles accompagnées, Cette étude réaffirme le rôle prépondérant des soignants (médecin, infirmière, puéricultrice, etc.) dès les premières interactions avec la famille et ce tout au long du parcours de l'enfant et même après son décès

, Observer l'accompagnement et questionner d'autres acteurs

, Dans une perspective de complémentarité avec le présent travail, il serait intéressant de mener une étude longitudinale de plusieurs accompagnements menés par différentes équipes soignantes

. Non-participante, hôpital et à domicile) et des entretiens semi-directifs avec les parents, la fratrie et l'enfant concerné, les soignants au sens large (hôpital, HAD, généraliste, médecine parallèle, etc.), le personnel de la chambre mortuaire et les agents des pompes funèbres. Cette démarche permettrait d'entreprendre une réflexion sur des accompagnements plus récents et d'avoir plusieurs « portes » d'entrée pour observer et comprendre toute la complexité d'un accompagnement et en fonction du point de vue des acteurs impliqués, Cette investigation nécessiterait d'engager avec les équipes et les proches une réflexion sur les conditions pratiques et éthiques à sa réalisation

, Nous pourrions ainsi compléter et poursuivre la recherche sur plusieurs thématiques

, L'itinéraire thérapeutique des enfants serait mieux renseigné, notamment l'articulation des trajectoires entre la médecine traditionnelle (hôpitaux, généralistes) et d'autres spécialistes issues de médecines parallèles, voire ésotériques, Conjointement, les dimensions du religieux et de l'interculturel pourraient être plus documentées grâce à la diversité des parcours observés et aux différents interlocuteurs interrogés

, Enfin, deux axes majeurs pourraient également être investis

. Le, Au regard des analyses développées plus haut, il serait pertinent de prolonger la réflexion en élargissant la problématique. L'annonce ne s'effectue pas dans la réalité uniquement du médecin aux proches, mais aussi des soignants aux parents et à l'enfant, entre l'enfant et les parents, entre parents, entre frère et soeur et entre l'enfant et ses amis. Ceci permettrait de comprendre comment la parole sur la maladie et la mort circule, par qui et ce que cette parole révèle des enjeux entre chaque acteur de ces situations. Le second axe concerne la demande de mort

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