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Chapitre D'ouvrage Année : 2020

De la figure du Wanderer de Hermann Hesse aux ouvrages de Tesson : le vagabondage comme plongée en soi et enjeu de résistance

Résumé

A l’ère du temps accéléré, le voyage est à l’image d’une époque gouvernée par la vitesse telle que décrite par le philosophe Paul Virilio : une activité d’hommes pressés. Loin du romantisme des Wanderer et des voyages de plusieurs semaines en calèche, le voyage a gagné en rapidité grâce à l’accélération des technologies, des modes de transport et de production. Dans sa Théorie du Voyage, Michel Onfray va jusqu’à vanter les mérites de la vitesse et de l’avion depuis son hublot d’où il contemple la géographie vue du ciel. Le voyage prend la forme d’un « état d’urgence » permanent où prendre son temps est devenu un luxe. Paul Lafargue, dans un essai intitulé Le Droit à la paresse (1880) dénonçait déjà l’accélération de la société industrielle tandis qu’Ivan Goncharov dressait quelques années plus tôt à travers Oblomov (1858) le portrait d’un personnage cultivant son inclination naturelle à la paresse, passant ses journées à ne rien faire dans son lit ou sur son divan, adressant par sa position allongée un pied de nez à la civilisation en marche. Aux antipodes de la vision onfrayenne d’un voyage accéléré, certains aventuriers et auteurs contemporains comme Sylvain Tesson font l’apologie du voyage lent dans lequel le randonneur apprend ou réapprend à voyager léger et, pour reprendre l’expression britannique, by fair means, c’est-à-dire avec le seul usage de ses mains et de ses pieds, parfois à cheval. Chez Tesson, cette forme de « slow sport », à savoir la marche à pied dans des contrées désertes et des climats rudes (montagnes, hauts plateaux, déserts, permafrost, terrains neigeux) procède d’une résistance individuelle à l’impératif sociétal de la vitesse. Parmi les inspirations littéraires qui irriguent les ouvrages de Sylvain Tesson, l’auteur cite comme figure tutélaire l’écrivain allemand Hermann Hesse et l’image du Wanderer, du randonneur vagabond (Knulp). Dans son Petit Traité sur l’Immensité du Monde, Tesson écrit: « Seuls peuvent vivre comme le vrai Wanderer ceux que nul lien n'attache, capables de répondre à l'appel du dehors sans accorder un regard à ce qu'ils abandonnent ». Elément constitutif du romantisme allemand, la notion de Wanderung inspirerait alors un retour au « slow sport », illustré par la marche à pied où le randonneur fait l’expérience solitaire de la route, soumis aux seuls besoins de son corps, limité dans ses mouvements par son propre rythme. En quoi la figure du Wanderer présente dans les romans d’Hermann Hesse constitue-t-elle un motif d’inspiration littéraire pour Tesson ? Quel est le tissu de correspondances (et ses limites) entre la « Wanderung » stylisée au plan littéraire et la randonnée théorisée par Tesson ? Dans un dernier temps, par delà cette culture de la lenteur revendiquée, il faudra mettre en perspective cette expérience corporelle dont procède le voyage « by fair means ». Lors de ses traversées du désert de Gobi, des hauts plateaux de l’Asie centrale ou plus récemment des « chemins noirs » sur les traces de l’hyper-ruralité française, Tesson évoque souvent l’effort lent et prolongé, parfois douloureux, comme une plongée en soi. En immergeant son corps dans les éléments par la marche, quelle sensation le randonneur mis en scène par Tesson voit-il émerger (Andrieu, 2016) ? En quoi voyager à son rythme est-il un enjeu de résistance ? En quoi ralentir le pas dans un espace qui résiste induit-il un rapport nouveau au temps, à la réflexion et à la mémoire ? Tel sera l’objet de cette communication.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02956692 , version 1 (03-10-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02956692 , version 1

Citer

Guillaume Robin, Jenny Bussek. De la figure du Wanderer de Hermann Hesse aux ouvrages de Tesson : le vagabondage comme plongée en soi et enjeu de résistance. Presses Universitaires de Nancy, Collection Epistémologie du corps. Vivre Slow : Enjeux et perspectives pour une transition corporelle, récréative et touristique, 2020, 978-2-8143-0568-7. ⟨hal-02956692⟩
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