Violence verbale dans les conversations téléphoniques entre chefs de guerre en Bosnie
Résumé
Nous proposons de traiter de cette forme particulière d’interactions qu’est la violence verbale, à partir d’un corpus constitué de transcriptions de conversations téléphoniques, interceptées lors du conflit yougoslave entre ses principaux protagonistes : Radovan Karadžić (ex-président de la République Serbe de Bosnie, récemment livré au Tribunal Pénal International), Ratko Mladić (commandant des forces armées serbes en Bosnie, toujours en fuite), Slobodan Milošević (ancien président serbe et yougoslave, décédé à la prison de La Haye en 2006) et quelques autres personnages importants de ce conflit. Les conversations datent de 1992 (début de la guerre en Bosnie), mais elles ont été rendues publiques dans l’ouvrage du Comité d’Helsinki pour les droits de l’homme Milošević vs Jugoslavija, paru à Belgrade, en 2004. De l’ensemble des matériaux, nous avons extrait six corpus (863 tours de parole) que nous proposons d’analyser en linguiste, du point de vue de la pragmatique, en tenant compte du contexte social de production des énoncés. Une attention particulière sera portée aux actes de parole fortement empreints de violence verbale observables dans ce corpus : la menace et la disqualification, comme moteurs de la mise en place d’actes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.Notre objectif est de montrer le rôle et la fonction de la parole en actes dans l’organisation et la justification directe ou indirecte de la violence physique de masse.